HO serait le monogramme du photographe Henri Oltramare. Est-ce si sûr ?
mar. 29 avril 2025 14h34

Josep Maria Cañellas (1856-1902), on le sait, s’est beaucoup illustré dans la photographie de nu. Du moins est-ce dans ce genre que son nom est souvent évoqué aujourd’hui — au détriment peut-être du reste de sa production, mais c’est là une autre histoire.
Il est loin d’avoir été le seul acteur de ce genre très prisé. Le thème du nu en photographie, attesté dès les premiers balbutiements de la technique, a pris au tournant du XX
Un grand nombre d’opérateurs se sont laissé prendre au jeu (et au commerce) de la photographie de nu, ouvertement, comme Cañellas, ou non, comme beaucoup. Parmi les noms qui reviennent fréquemment (dans la littérature et aujourd’hui chez les galeristes ou dans les salles des ventes), on peut évoquer entre beaucoup d’autres ceux de Jean Agelou, Henri Manuel, Jean Oricelly, Richard Gennert, Clément Maurice, Jules Richard ou Walery.
Et donc celui d’Henri Oltramare — car tel est le nom qu’on donne au photographe signant ses photographies du monogramme H. O.




… et dont le corpus connu est constitué exclusivement de photographies de nu2, comme ici :




Certains des photographes évoqués plus haut sont parfaitement identifiés (Agelou, Richard, Walery…) ; d’autres plus ou moins bien (Gennert) ; à ma connaissance, Henri Oltramare ne l’est pas du tout.
Josep Maria Cañellas & Henri Oltramare
Je m’attarde quelque peu sur Henri Oltramare parce que son nom est aujourd’hui souvent associé à celui de Josep Maria Cañellas. C’est particulièrement le cas dans les lots de photographies disponibles sur le marché, comme dans l’exemple suivant d’une vente aux enchères :

Et il est vrai que les photographies attribuées à l’un et à l’autre partagent bon nombre de caractéristiques thématiques ou stylistiques. Au point que je m’étais demandé pendant quelque temps s’il ne s’agissait pas de la même personne usant de deux identités différentes : Henri Oltramare eût alors été un pseudonyme de Cañellas.
Je ne le crois plus désormais ; à mes yeux, la proximité stylistique reste une simple proximité. Mais il n’est pas impossible que les deux photographes se soient connus et peut-être même mutuellement influencés. Par exemple, Oltramare aurait pu être un assistant de Cañellas avant de prendre son autonomie ; ou alors un confrère avec lequel il échangeait — par exemple des coordonnées de modèles ou des circuits de distribution de leurs clichés sous forme de cartes postales… D’autres hypothèses sont envisageables que j’évoquerai un peu plus loin.
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Voici quelques exemples de photographies qui me semblent illustrer une certaine proximité esthétique dans la réalisation de nus (Cañellas à gauche, Oltramare à droite). Ces arrangements et mises en scène ne sont certainement pas des spécificités propres à ces deux photographes — ils sont plutôt caractéristiques de l’époque — mais leur récurrence chez l’un et l’autre et le parallèle qu’on peut en tirer me laissent un brin songeur.
Les bicyclettes
Cet accessoire fétiche fut abondamment utilisé par les deux photographes — et par de nombreux autres de la même époque3.


Les échassiers
Un flamant chez Cañellas ; une grue royale chez Oltramare. On trouve chez les deux photographes d’autres exemples de nus usant d’oiseaux naturalisés comme accessoires.
![JMC s/n [id. 396]](https://blog.photographiedesartistes.com/images/jmc/repro/img00351_jmc9999_gc00396_t.jpg)

Le violon
Accessoire attesté à plusieurs reprises chez les deux photographes. Cañellas introduira par ailleurs le piano ou la harpe que je n’ai pas retrouvés chez Oltramare ; ce dernier fera jouer de la flûte à certains de ses modèles.


Les bottes de paille
Nombreux exemples d’usage de la paille chez Cañellas et chez Oltramare, sous la forme de bottes comme ici ou étalée au sol. Pour les citadins de l’époque, le fantasme du terroir campagnard reste très prégnant.


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Outre les rapprochements d’ordre stylistique qu’on peut faire entre les productions de nu des deux photographes, il y a aussi cette façon assez particulière d’apposer manuellement une signature dans le négatif. Pour les deux photographes, on retrouve le même procédé : le monogramme sur une première ligne et un numéro d’ordre inscrit sur une seconde ligne, comme dans les exemples fournis plus haut4.
Aparté
Il est à remarquer que, comme pour Cañellas, la graphie des signatures porte la marque de plusieurs intervenants. C’est particulièrement notable sur la graphie des chiffres.
De même, il est intéressant d’observer que le monogramme prend plusieurs formes distinctes selon qu’il fait usage ou non de points d’abréviation.








Sans en tirer de conclusions très claires — les deux photographes se connaissaient-ils ? —, on peut néanmoins prendre note de cette proximité des façons de faire. Et si cette proximité n’est pas du fait des deux photographes, alors peut-être s’agit-il d’une proximité répondant à des commandes émises par des tiers, comme celles en provenance d’éditeurs de revues lestes — évidemment à l’usage des seuls artistes5…
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Pourquoi ce nom d’Henri Oltramare ?
On ne trouve aucune mention de ce nom dans les ouvrages de référence usuels relatifs à la photographie de cette époque. Ni Voignier, ni Boisjoly ni Marc Durand n’en font état6.
Sauf erreur de ma part, aucune mention non plus n’apparaît dans les annuaires par professions de Paris sur la plage 1890-1910, la plus plausible pour ses années d’activité.
Aucune trace non plus dans les fiches du dépôt légal de la BnF. Ni dans celles de son Enfer.
J’ai fouillé quelque peu les publications de la période — presse généraliste ou presse spécialisée de la photographie — jusqu’ici sans jamais trouver la moindre mention d’un Henri Oltramare. Resterait à explorer les archives du greffe du Tribunal de commerce pour identifier un photographe professionnel ; ou celles de la Préfecture de police pour identifier un éventuel contrevenant aux bonnes mœurs. Mais je n’y crois guère : d’autres que moi auraient vraisemblablement déjà repéré l’individu.
C’est en interrogeant des experts du monde de la photographie érotique ancienne que j’ai obtenu ma première (et à ce jour seule) trace d’une source pour ce nom. Selon Alexandre Dupouy (Les Larmes d’Eros), le nom d’Henri Oltramare aurait été identifié puis promu par l’écrivain et grand collectionneur de photographies érotiques anciennes Serge Nazarieff (1935-2004). Dans les souvenirs d’Alexandre Dupouy, c’est en conclusion de recherches menées à la B.N. que Nazarieff aurait établi cette identité.
Nazarieff n’est malheureusement plus là pour nous en dire plus. Et la B.N., je l’ai dit, est muette sur ce nom.
Aparté
Oltramare est le nom d’une vieille famille genevoise, d’origine ligurienne, ayant produit divers notables et personnalités de la ville, fort respectables pour la plupart, plutôt discutable politiquement parlant pour au moins l’une d’entre elles (Georges, dit Géo7, 1896-1960).
À ma connaissance, on ne trouve pas d’Henri parmi les membres de la famille Oltramare vivant à la période qui nous intéresse ici8.
Il se trouve que Serge Nazarieff, né à Lausanne, a vécu et étudié à Genève ; Oltramare est un patronyme qu’il devait certainement connaître. Par ailleurs, dans les années 1950, Georges Oltramare, malgré sa condamnation à l’issue de la guerre, avait refait surface à Genève et publiait notamment de la prose et de la poésie érotiques, ce qui n’aura sans doute pas échappé à Nazarieff. J’apprends aussi que Georges Oltramare avait fait partie quelque temps, durant l’entre-deux-guerres, de la troupe de théâtre de Georges Pitoëff lorsque celui-ci était installé à Genève. Il s’y trouvait alors en compagnie de Michel Simon, grand acteur mais aussi photographe et éminent érotomane s’il en fut — et grande connaissance de Nazarieff. D’où un possible réseau de relations entre Georges Oltramare, Michel Simon et Serge Nazarieff alimenté par l’érotisme.
Pour en revenir à ce nom d’Henri Oltramare (et s’amuser un instant), pourquoi ne pas y voir l’invention (tardive) par Nazarieff d’une identité fictive pour l’auteur des photographies signées H. O. qu’il devait certainement posséder dans ses collections ou avoir vues chez Michel Simon ? Les noms de famille en O sont plutôt rares ; en croisant univers érotique et influences genevoises, le nom d’Oltramare aura pu s’imposer naturellement à Nazarieff ; et pour le prénom en H, ma foi, Henri sera sorti du chapeau avant Hubert ou Hector9.
D’où un Henri Oltramare inventé pour conférer une identité de circonstance au mystérieux H. O. Et ça tombait bien, il n’existait pas d’Henri Oltramare…
Bref. J’invente moi aussi. Mais j’aime bien l’idée d’une identité forgée de toute pièce pour sortir un photographe de l’anonymat et la présenter comme une évidence : « HO ? Vous voulez dire Henri Oltramare ? »
— Que voulez-vous opposer à cela ?
Toujours est-il que, en l’état, rien n’existe qui vienne étayer l’existence d’un photographe nommé Henri Oltramare.
C’est peut-être qu’il faut chercher ailleurs.
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Alors pourquoi pas un autre nom ?
Celui d’Henri Ostheim, par exemple.
(Après Oltramare et l’Outre-mer, Ostheim, le foyer de l’Est…)
C’est le nom que je propose pour l’interprétation du monogramme HO et que j’oppose à celui d’Henri Oltramare.
Il se trouve que c’est en effet le nom d’un éditeur de photographies, actif à Paris au début du XXe s. et qui revendique ce monogramme comme sa marque de fabrique. Et sa fabrique produit justement des nus « pour artistes et amateurs », ce qu’il fait savoir bien volontiers à qui veut l’entendre.



En explorant de manière un peu systématique les sources ordinaires (annuaires et presse) relatives aux activités directes ou indirectes des photographes contemporains de Cañellas, j’ai en effet fini par repérer ce nom d’Henri Ostheim. À dater de 1903, il apparaît dans les rubriques Photographes et Photographies (éditeurs de) du Didot-Bottin et du Paris-Adresses. Et il en disparaît après 1907.
Henri Ostheim — le prénom n’est pas toujours développé et se résume souvent à l’initiale H. — est enregistré dans les annuaires depuis 1898 au moins, mais pour des activités professionnelles qui, les premières années, ne sont pas la photographie ou l’édition de photographies.
On l’identifie d’abord comme libraire, puis comme éditeur de cartes postales et d’albums pour timbres-poste11.
Toujours d’après les mentions dans les annuaires professionnels, ce n’est qu’à compter de l’année 1903 qu’il revendique une activité d’éditeur de photographies et ce, dans le genre « études académiques ». Il s’agissait peut-être pour lui d’une évolution naturelle et d’un moyen de mieux concevoir et contrôler la production des images pour les cartes postales qu’il continuait sûrement de diffuser par ailleurs.




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Ostheim change régulièrement d’adresses. On le repère une première fois rive droite, rue des Petites-Écuries (décembre 1897 ?), puis sur la rive gauche, rue de Seine (avril 1898), puis à nouveau rive droite, rue d’Hauteville (juillet 1900) et finalement rue Notre-Dame de Lorette (fin 1903).
Ces changements d’activité et d’adresse trahissent sans doute une certaine fébrilité ou instabilité chez Henri Ostheim, et sans doute tira-t-il le diable par la queue durant plusieurs années. On en trouve la confirmation à l’occasion de sa mise en faillite, déclarée le 30 novembre 1900, prononcée le 11 février 1901 et soldée par la signature d’un concordat avec ses principaux créanciers en août de la même année.

Le dossier de faillite établi à cette occasion et consigné aux Archives de la ville de Paris apporte d’intéressants éclairages sur la personne et la vie d’Henri Ostheim. En particulier, le projet de concordat proposé par le syndic de faillite comporte une section Antécédents où il est mentionné ce qui suit :
Le sieur Ostheim, issu de parents allemands, est venu en Allemagne dès son jeune âge avec sa famille ; il a commencé à travailler dès l’âge de quinze ans comme commis de librairie à Eberfeld [sic], Posen, Berlin et à Leipzig.
En 1895, il est venu à Paris et a travaillé dans des maisons de librairie internationale ; après un nouvel exode en Allemagne, il est revenu à Paris, et en décembre 1897, il y a commencé à son compte la représentation de journaux allemands, et l’achat et la vente en consignation d’ouvrages pour des maisons de Leipzig et de Berlin ; il n’avait d’ailleurs pas de local spécial et prenait pension dans une maison meublée.
En avril 1898, il a loué, rue de Seine, 54, moyennant 500 francs par an, un entresol et a obtenu la représentation de la maison Yvert et Tellier, fabricants d’albums pour timbres-poste à Amiens. Il y a joint, un peu plus tard, le commerce de cartes postales illustrées dont la mode commençait à prendre, et qu’il faisait fabriquer par des imprimeurs de Paris.
Au mois de juillet 1900, son propriétaire lui ayant donné congé, il a transféré son commerce rue d’Hauteville, № 5, où il est actuellement et où il occupe un petit magasin du loyer de mille francs par an. Il n’y a pas son domicile et loge dans une pension bourgeoise, rue Geoffroy-Marie, № 6.
La formulation initiale sur sa « venue en Allemagne » n’est pas très claire. Dans mon interprétation, elle laisse entendre qu’Henri Ostheim serait né en France de parents allemands et aurait déménagé en Allemagne pendant son enfance (à l’occasion de la guerre franco-prussienne de 1870 ?). Je n’ai pas réussi jusqu’ici à déterminer sa date et son lieu de naissance (qui ne sont jamais mentionnés dans le dossier). On ne trouve pas d’enregistrement d’un acte de naissance d’un Henri Ostheim à Paris sur la période 1860-1882 ; il faudrait donc chercher ailleurs qu’à Paris13…
Coïncidence intéressante : le logement personnel d’Henri Ostheim en 1901 (la pension bourgeoise du 6, rue Geoffroy-Marie) se trouve être situé juste en face du magasin de fleurs tenu par l’une des belles-sœurs de Cañellas, Alice Martin, épouse Bénassy14. Cette proximité aurait-elle favorisé ou renforcé une mise en relation d’Ostheim avec Cañellas ? Les sœurs Martin y auraient-elles contribué ?
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Autre élément mis au jour relatif à la personne d’Henri Ostheim : un fait divers concomittant de l’instruction de son dossier de faillite. (Je ne sais pas s’il faut y voir une corrélation.)
Dans la nuit du 21 au 22 février 1901, « vers trois heures et demie », les concierges du 5 rue d’Hauteville surprennent des cambrioleurs en train de visiter le local commercial d’Henri Ostheim, « libraire et marchand de collections de cartes postales ». L’un des malfaiteurs réussira à partir avec un butin de 80 francs ; un autre sera arrêté par la police et écroué au Dépôt.
Une main courante fut déposée au commissariat du quartier de la Porte Saint-Martin (MC № 333, 22 février 1901, qu’on peut consulter aux archives de la Préfecture de police). On y relève bon nombre de renseignements sur le mode opératoire des cambrioleurs, mais assez peu sur la victime. Il est toutefois noté que le sieur Henri Ostheim est âgé de trente ans. Voilà qui confirme une naissance autour de 1870 et donc peut-être celle recensée par le registre des baptêmes de Babenhausen (cf. note 13).

Sur la base de cette main courante, divers journaux firent un compte rendu de l’événement, dont Le Français du 22 février 1901, Le Journal du 23 février, etc.
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À la suite de cette faillite et de ce cambriolage, Ostheim se réinvente une nouvelle fois et devient donc photographe et éditeur de photographies.
De 1902 à 1906, il semble avoir été plutôt actif et productif dans sa spécialité. Comme on l’a vu plus haut, il n’hésite pas à insérer des encarts publicitaires explicites dans des revues ou des prospectus comme celui des Folies Bergère (logeant rue Geoffroy-Marie, il est du quartier).
D’une année sur l’autre, on le voit mettre en avant la progression volumétrique de son fonds d’images :



Il évoque ici des planches et non pas des clichés. Si l’on prend pour hypothèse une moyenne de seize clichés par planche (comme c’est le cas pour les « références » chez Cañellas), on parle alors d’un fonds de plusieurs dizaines de milliers d’images. De quoi inonder le marché.
De fait, ses nus se retrouvent bientôt dans des revues comme celles d’Amédée Vignola ou sous forme de cartes postales. Dès octobre 1904, une revue comme Les Beautés de la femme reprend des clichés d'Ostheim :






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Enfin, dernier élément de nature factuelle que j’ai pu relever concernant Ostheim : le 30 novembre 1906, il cède son fonds de commerce « de libraire, cartes postales », alors situé au 4 rue Notre-Dame-de-Lorette, à M. & M

Ostheim avait sans doute déjà réglé son inscription dans les annuaires pour l’année 1907, d’où les parutions mentionnées plus haut. À compter de 1908, il n’y figure plus. Et je ne trouve plus non plus quelque mention que ce soit de son nom dans les sources à ma disposition.
Pour quelle raison met-il fin à son activité à cette date ? Mystère. Peut-être sent-il le vent tourner, tant sur le plan des mœurs (Bérenger veille) que sur le plan politique (il est allemand, rappelons-le). Ou peut-être, plus prosaïquement, anticipe-t-il un nouvel échec commercial et décide-t-il de jeter l’éponge avant la cessation de paiement… À moins qu’il ne réalise avec cette vente une très belle affaire qui lui permet d’envisager l’avenir avec assurance et confort.
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De manière amusante, quelques années plus tard, un autre Ostheim — plus en vue celui-là, il fut prince avant d’être rétrogradé en comte — affrontera, lui, pour de bon, une nouvelle faillite déclenchée par des créanciers fort en colère. Il était coutumier du fait, ai-je cru comprendre.

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Henri Ostheim, lui, semble avoir disparu pour de bon. Peut-être pour refaire sa vie ailleurs. En outre-mer ?
Reste le monogramme HO. Et les photographies ainsi signées qui attirent toujours autant les amateurs.

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Notes & références
Ce n’est pas le lieu ici de se plonger dans les vifs débats qui agitèrent le monde politique et judiciaire à ce propos.
Mentionnons tout de même le très actif sénateur René Bérenger (1830-1915), familièrement surnommé le Père la Pudeur. Dans sa croisade contre le vice et son exposition aux étalages des boutiques, et particulièrement dans les gares semble-t-il, il poussa le dévouement et l’abnégation jusqu’à acheter — à plusieurs reprises selon ses dires et cela vaut d’être rapporté — la marchandise honnie pour bien se persuader de son irréfutable nocuité.
Ses démonstrations finirent par convaincre les élus de la République ; des voiles pudiques vinrent éteindre les feux de la concupiscence nationale.
Cela étant, Bérenger n’eut pas que des alliés. Poulbot lui-même, qu’on ne saurait pourtant taxer de pornographe, eut maille à partir avec le prude sénateur. Il lui réserva en réponse quelques caricatures cinglantes, dont la suivante parue en couverture de L’Assiette au beurre.

Merci au site Montmartre secret pour cette référence.
Comme pour Cañellas, mais pour l’heure de manière moins systématique, j’ai commencé à répertorier les photographies signées HO en collectant les reproductions diffusées en ligne. Comme pour Cañellas, la tâche s’avère quelque peu vertigineuse car, à côté des photographies signées HO — et leur nombre semble conséquent —, il y a aussi des photographies non signées ou signées autrement dont pourtant tout laisse à croire qu’elles sont également du même photographe (ainsi de plusieurs séries signées « Paris » avec un numéro ; ainsi aussi d’images anonymes reproduites dans des revues ou sous forme de cartes postales).
Le recensement et le classement de ces photographies sont délicats, même s’il est possible d’identifier certaines régularités : séances avec un même modèle ; réutilisation d’accessoires et de toiles peintes de décor ; scénographies spécifiques (femmes à la toilette, femmes enchaînées)… Ces régularités pourraient correspondre à des cahiers des charges bien précis de commandes effectuées par des tiers. Le point est abordé plus bas.
RetourAu point que Nicole Canet (Au Bonheur du Jour) avait organisé à l’été 2007 une exposition sur ce thème dans sa galerie parisienne.
RetourÀ de rares occassions, exploitant une particularité favorable du cliché, cette signature sur deux lignes peut être modifiée, comme dans l’exemple suivant, où le socle de pierre permet l’inscription sur une même ligne de la signature, la rendant moins immédiatement apparente sur la photographie malgré un contraste plus marqué que sur le fond uni :

À noter que, dans une configuration tout à fait similaire (HO 1796, peut-être tirée de la même séance de poses), le procédé n’est pas répété (je souligne volontairement l’emplacement de la signature dans ce dernier exemple).


Pour Oltramare comme pour Cañellas, on peut se demander si plusieurs mains ne sont pas intervenues dans la signature des clichés.
RetourL’hypothèse est assez vraisemblable. Nombre des numéros de ces (nombreuses) revues ont été alimentés avec des reproductions de photographies de Cañellas et/ou d’Oltramare. Je renvoie ici aux remarques déjà formulées dans le billet À propos de la numérotation des photographies de Josep Maria Cañellas, note 10.
Concernant Oltramare, j’ai repéré les références de revues suivantes, numérisées sur Gallica, dont la très grande majorité des reproductions (parfois toutes) sont de source HO :
- Les Beautés de la femme : photographies d’après nature à l’usage des artistes, 1er fascicule, 1er octobre 1904 (sur la vue 225, la signature HO 1698 est encore largement visible).
La revue est éditée par la Nouvelle librairie artistique, 7 & 9 rue La Boétie, qui publiait par ailleurs Le Nu d’après nature, ouvrage entièrement illustré de photographies de Cañellas. Voir à ce propos le billet Digression sur un portrait d’Edmond Archdeacon par Josep Maria Cañellas, note 15. - Le Nu académique : publication de documents photographiques à l’usage des artistes, № 11, 1er décembre 1905. Revue également publiée par la Nouvelle librairie artistique. Toutes les photographies me semblent attribuables à Oltramare. (À noter, dans les pages de réclame, la présence d’un encart de Gennert.)
- Le Charme : photographies d’après nature, passim. Sans nom d’éditeur connu (parution hebdomadaire, 1903-1905). Dans la collection des numéros de la revue numérisés par Gallica, on reconnaît sur plusieurs couvertures des photographies d’Oltramare ; dans les pages intérieures également, et notamment HO 1845 dont la signature est restée apparente.
L’attribution des photographies à Oltramare (ou à Cañellas) se fonde en premier lieu sur l’existence de tirages authentiques portant la signature du photographe. Ainsi des exemples suivants où l’on reconnaît parfois la trace d’un grattage de la signature d’origine :






- Jean-Marie Voignier
- Répertoire des photographes de France au dix-neuvième siècle, Chevilly-Larue : le Pont de pierre, 1993
- François Boisjoly
- Répertoire des photographes parisiens du XIXe siècle, Paris : Éd. de l’Amateur, 2009
- Marc Durand
- De l’image fixe à l’image animée (1820-1910). -- [Actes des notaires de Paris pour servir à l’histoire des photographes et de la photographie], Pierrefitte-sur-Seine : Archives nationales, 2015
« Géo » pour G.O., Georges Oltramare. Ce qui n’est pas sans rappeler H.O.
RetourAinsi, dans les fonds des manuscrits et archives privées conservés à la bibliothèque de Genève, on trouve d’innombrables mentions de divers membres de la famille Oltramare (voir ici), dont un Hugues et un Hugo, mais, sauf omission de ma part, pas d’Henri.
RetourTant qu’à s’amuser, on peut divaguer plus encore : H.O. sonne comme « à chaud » ; et on ne peut s’empêcher d’évoquer le monogramme facétieux dont fit si bon usage Marcel Duchamp : LHOOQ.
RetourPour la bonne bouche, on remarquera que cet encart dans le Didot-Bottin apparaît quelques lignes après celui de Martin-Col (C.)…

… à savoir Colombe Martin qui poursuivait avec sa sœur Jeanne, la veuve de Cañellas, les activités d’édition de la marque J.M.C.
Les deux inscriptions figureront à nouveau l’une près de l’autre dans l’édition suivante de l’annuaire :

Avec la reformulation de l’encart d’Ostheim, on note alors un parallèle très marqué entre les deux pavés promotionnels. Les termes employés (études académiques) comme l’insistance sur le volume important des clichés ou encore la mise en avant de leurs « marques » respectives (H.O. et J.M.C.) les rendent très similaires. Au point qu’on pourrait se demander s’ils n’apparaissent pas simultanément pour s’épauler l’un l’autre. Par exemple, dans la perspective d’attirer des éditeurs de revues en quête d’images…
RetourLa plus ancienne mention que j’ai repérée date de mai 1898 et figure dans la revue mensuelle du Touring Club de France (T.C.F.). Ostheim y est désigné comme dépositaire de cartes vélocipédiques de divers pays étrangers :

De manière intéressante, on apprend dans le même numéro qu’Ostheim, alors qu’il candidatait au T.C.F., donnait pour adresse le 15, rue des Petites-Écuries, qui doit correspondre à la « pension meublée » dont il sera question plus loin (sans doute la pension de famille de Mme Baruch, enregistrée au № 13) :

Sa candidature au T.C.F. a dû être formulée quelque temps avant son déménagement pour la rue de Seine qui eut lieu, on le verra bientôt, en avril 1898.
RetourOn remarquera dans ce dernier exemple la présence inattendue de l’inscrit « Photographie des artistes », 35 avenue de Wagram — c’est-à-dire Cañellas (décédé un an plus tôt).
Il s’agit vraisemblablement d’un défaut de mise à jour de la liste des inscrits de la précédente édition. Voir à ce sujet le recensement des inscriptions de Cañellas dans les annuaires dans le billet Le « moment Wagram » de Josep Maria Cañellas.
RetourComme pour Oltramare, Ostheim n’est pas référencé dans les ouvrages de Voignier, Boisjoly et Durand. Les sites de généalogie ne sont pas très prolixes non plus.
La seule mention un peu plausible que j’ai réussi à identifier est un relevé de baptême allemand évoquant un Heinrich Ostheim, né le 24 décembre 1869 et baptisé à Babenhausen (Starkenbug, Hesse-Darmstadt) le 16 janvier 1870. La date est cohérente avec un rapport de police de février 1901 (voir plus bas) où Ostheim est décrit comme âgé de 30 ans. Est-ce notre homme ? Il serait alors né en Allemagne et non pas en France. En suivant les indications du concordat, Ostheim serait arrivé une première fois à Paris à l’âge de 25 ans, puis s’y serait installé à l’âge de 27 ans. À 30 ans, il fait faillite, mais il rebondit deux ou trois années plus tard dans la photographie de nu puis disparaît des radars après quelques années dans ce métier.
Plausible, mais encore un peu fragile.
Ce qui n’ôte rien, me semble-t-il, à la réalité de ces années 1902-1906 où un dénommé Henri Ostheim exerça la profession d’éditeur de photographies de nu sous le label H.O. et noua divers contrats de distribution avec des éditeurs de presse spécialisés.
RetourJe renvoie au billet de blog Le Mystère des sœurs Martin pour une présentation de la famille Martin.
Alice Martin-Bénassy tient en effet boutique au 7 rue Geoffroy-Marie et loge peut-être dans l’immeuble.
Il est à noter que cette adresse sera revendiquée comme sienne par une autre sœur Martin, Victorine, dite Colombe, lors de son mariage en 1908. Il s’agit de Colombe « Martin-Col » qui assura pendant quelques années l’édition des photographies de la marque J.M.C. (voir note 10 ci-dessus).
RetourMots-clés
Josep Maria Cañellas (1856-1902) ; Henri Oltramare ; Henri Ostheim (?1869-19??) ; biographie
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