À propos de la numérotation des photographies de Josep Maria Cañellas
mer. 19 juin 2024 01h06
![Josep Maria Cañellas, « carte-référence » servant de support à la vente - Coll. part. [détail retouché].](https://blog.photographiedesartistes.com/images/jmc/jmc_blog/016/JMC_serie_5000a_detail3.webp)
Quelle fut la production du photographe Josep Maria Cañellas ?
La question reste aujourd’hui largement ouverte.
C’est pour tenter d’y apporter des éléments de réponse que j’alimente ici-même, dans la continuité de travaux menés par d’autres, la base Photographie des Artistes (reprenant le slogan publicitaire qui fut celui de Cañellas).
Éléments de réponse tout d’abord quantitatifs, en m’efforçant d’accumuler en un même lieu le plus grand nombre possible de références à des travaux photographiques réalisés par Cañellas ; mais aussi, je l’espère, éléments de réponse qualitatifs, dans la documentation de notices pour chacune de ces références et l’établissement de liens entre elles. À quoi s’ajoutent les billets du présent blog qui apportent des éclairages et des questionnements complémentaires sur les travaux de Cañellas.
Tous ces éléments sont, pour une bonne part, assurés et vérifiés, pour d’autres seulement plausibles, pour d’autres enfin simplement hypothétiques.
Je n’exclus évidemment pas ici ou là des erreurs d’interprétation ou des erreurs d’attribution.
Car telle est bien la question : quelles sont les photographies attribuables à Josep Maria Cañellas ? Quel est le corpus de ses photographies ?
Références
Je rappelle ici les deux documents qui ont remis au jour le travail de ce photographe et auxquels je ferai souvent référence dans ce qui suit :
- Anna Capella, Jaume Santaló, Josep Maria Cañellas, Reus 1856-París 1902 : photographie des artistes, Figueres : Museu Empordà ; [Sant Lluís, Menorca] : Triangle Postals, 2005.
Il s’agit du catalogue de l’exposition présentée au musée de l’Empordà de Figueres à l’hiver 2005-2006., comprenant une centaine de reproductions et plusieurs analyses biographiques et historiques. - Alain Fourquier, Josep Maria Cañellas (1856 – 1902), Premier photographe de l’instantané à Paris, Paris, Au bibliophile parisien, 2008.
Il s’agit ici d’un premier recensement des instantanés de rue pris à Paris par Cañellas, présenté et commenté par un éminent bibliophile parisien, décédé en 2010. On y trouve une quarantaine de reproductions.
J’en profite pour promouvoir la bande annonce d’un documentaire consacré à Cañellas dont la sortie est prévue en octobre 2024 :
- Carles Esporrín & Luz López, Josep Maria Cañellas, l’ombra del fotògraf, VOSTF (2024).
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Divers éléments sont exploitables pour avaliser l’attribution d’une photographie à Josep Maria Cañellas.
L’un des plus solides est le carton-support sur lequel est contrecollé le tirage et qui affiche le nom du photographe, l’adresse de son studio, ainsi que d’éventuelles autres indications à vocation publicitaire. De tels cartons-support sont connus pour les quatre adresses parisiennes de Cañellas, mais ils sont relativement rares1.
De manière plus sporadique, on peut tomber sur d’autres éléments factuels authentifiant le photographe, comme l’attribution explicite associée à une reproduction dans une revue ou l’attestation fournie par un contemporain du photographe. Ainsi également des tirages déposés au titre du dépôt légal à la B.N. par Cañellas et par sa veuve…
De manière moins tranchée, on peut aussi attribuer une photographie en procédant à des recoupements à partir de détails relevés sur d’autres photographies déjà attribuées (identification d’un même modèle dans une série, réutilisation d’accessoires, de décors et de mises en scène…). Un grand nombre des références dans la base de données ont été identifiées de la sorte et j’en fournirai plus loin divers exemples.
Un autre élément probant pour l’attribution des photographies est la signature qu’elles peuvent exhiber. Chez Cañellas, cette signature prend la forme, dans le négatif, d’une inscription manuscrite de son monogramme « JMC » suivi, sur une seconde ligne, d’un numéro2.




Je vais m’arrêter dans ce qui suit sur la question des numéros accompagnant les initiales JMC. L’existence ou l’inexistence de ces signatures numérotées posent un certain nombre de questions et je voudrais tâcher d’en aborder quelques-unes, sans toujours prétendre y apporter des réponses définitives.
Périmètre d’investigation
Pour fixer les idées et tenter d’emblée une première évaluation du corpus JMC, voici quelques éléments factuels.
Parmi les photographies signées JMC et numérotées, le plus petit numéro que l’on connaisse aujourd’hui est JMC 7 et le plus élevé est JMC 6471 :
Note — Il est à peu près certain que tous les numéros compris entre 1 et 6471 n’ont pas été attribués et que le corpus des photographies numérotées ne comprend pas 6471 entrées. Mais il est complété par un ensemble conséquent de photographies qui ne sont pas signées et donc pas numérotées.
Trois ans après la mort du photographe, sa veuve et légataire semble renoncer à la poursuite des activités de la marque « J.M.C. » et met en vente du matériel photographique ainsi qu’un fonds de « 6000 clichés » :
![Annonce signée Cañellas [Jeanne Martin] parue dans Le Journal du 05/08/1905.](https://blog.photographiedesartistes.com/images/jmc/jmc_blog/016//JMC_1905-08-05_Le_Journal.webp)
Dans un des derniers encarts publicitaires parus de son vivant, Cañellas annonce un catalogue de « 4000 études de modèles vivants » :

Dans ce même encart, Cañellas évoque parallèlement l’« exécution de scènes ou sujets […] sur commande » [je souligne].
Ce sujet des commandes passées à Cañellas et exécutées par lui mériterait d’être étudié plus avant. D’une part, parce qu’il est fort possible que ces commandes aient assuré le gros de ses revenus (par opposition aux ventes directes qu’il pouvait effectuer) ; d’autre part, parce qu’il est également fort possible que la plupart des travaux de commande aient été exécutés sans mention d’une signature sur les clichés.
Si ce dernier point est confirmé, il expliquerait en partie le volume relativement modeste de la production aujourd’hui attribuable au photographe (l’autre explication tenant évidemment à sa disparition précoce) : nous ne disposons guère d’informations sur les commanditaires de Cañellas et encore moins sur le sort réservé aux photographies commandées.
Parmi les travaux de commande, le mieux connu est celui de l’Album Rubaudonadeu (1889) — financé par le mécène catalan Josep Rubaudonadeu et consacré à l’exploration méthodique de la région de l’Alt Empordà en Catalogne3. Cet album de 555 photographies représente toutefois une exception : pour la plus grande part, ces photographies sont justement signées et numérotées et le nom du photographe est explicitement attaché à l’album réalisé.
Un exemple de ce que pourrait être un travail de commande plus ordinaire nous est sans doute donné avec cette vue d’un imposant présentoir de bouteilles de vin érigé dans le cadre d’une exposition :

Note — L’attribution de la photographie à Cañellas est confirmée par la présence de son cachet (timbre humide) au verso du carton-support. Voir la notice de la photographie dans la base de données.
À mon sens, il est tout à fait envisageable que Cañellas ait répondu à de nombreuses commandes « alimentaires » de ce type au cours de sa carrière, réalisant des clichés non signés et simplement accompagnés d’un tampon au verso. Si par ailleurs ces productions étaient destinées à une publication en brochure (revues, feuillets promotionnels), les originaux n’auront pas été conservés et la trace même d’un tampon aura disparu4…
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Si, sur la foi de l’annonce parue dans Le Journal, l’on admet que le fonds propre de Cañellas comprenait environ 6000 photographies — soit guère plus d’une photo par jour en moyenne au cours des dix-huit à vingt ans de carrière à Paris, ce qui paraît peu —, on peut supposer que les travaux commandités par des tiers ont représenté une masse au moins équivalente. On en vient alors à envisager pour le corpus Cañellas un volume global d’environ 12 000 photographies. C’est un nombre que j’avance comme simple ordre de grandeur. Pour important qu’il paraisse, il demeure cependant modeste par rapport à ce qu’on connaît d’autres photographes de l’époque. Cañellas était certes photographe et prenait des photographies ; mais une part importante de son temps devait être consacrée à d’autres activités…
Quoiqu’il en soit, si l’on dénombre maintenant les photographies aujourd’hui connues de Cañellas, on aboutit à des volumes beaucoup plus restreints. À ce jour (juin 2024), la base de données Photographie des Artistes répertorie environ 1300 photographies, dont 1000 ont été indexées et mises en ligne5.
En y ajoutant les 555 photographies de l’Album Rubaudonadeu, le total reste inférieur à 2000 clichés, loin donc des chiffres qu’on vient d’évoquer6.
Autrement dit, de très nombreuses photographies de Cañellas nous échappent encore. (Je me refuse de croire qu’elles sont toutes définitivement perdues…)
Des photographies numérotées ?
Au sein du périmètre esquissé ci-dessus, toutes les photographies attribuées ou attribuables à Cañellas ne sont pas signées et numérotées, tant s’en faut.
Plus exactement, tous les tirages — toutes les matérialisations — des photographies attribuables à Cañellas ne sont pas toujours accompagnés du monogramme JMC et d’un numéro. L’attribution à Cañellas s’en trouve de fait soumise au doute.
Toutes les photographies ne sont pas toujours numérotées et les explications peuvent varier. De même que peuvent varier les explications à la présence d’une signature et d’un numéro.
La numérotation explicite d’une photographie peut viser plusieurs finalités.
La première, sans aucun doute, est une finalité de classement — classement peut-être simplement séquentiel, suivant l’ordre chronologique des prises de vue, ou classement à visée thématique.
On peut ensuite avoir affaire à des finalités d’ordre commercial — assurant par exemple l’indexation des photographies dans un catalogue destiné à la vente.
J’ai tendance à penser que la fonction des numéros a évolué dans le temps et que Cañellas, au cours de sa carrière, est passé progressivement d’un schéma de simple enregistrement chronologique à un schéma plus élaboré où la numérotation vient architecturer un projet thématique puis une offre commerciale. J’y reviens ci-dessous.
A contrario, l’absence d’une signature et d’un numéro peut également relever de plusieurs cas de figure. (Je parle des photographies pour lesquelles l’attribution à Cañellas ne fait aucun doute.)
Elle peut être délibérée (ou pas) et elle peut être le fait de Cañellas ou le fait d’un tiers.
Il me semble qu’une des motivations à l’anonymisation des négatifs tient au mode de distribution des photographies, selon que cette distribution est assurée par Cañellas lui-même ou par d’autres (aux commandes desquels il répond) : dans le premier cas, les photographies sont généralement signées ; dans le second, elles ne le sont jamais.
aparté
L’absence (ou la disparition) d’une signature et de son numéro s’observe en effet plus particulièrement dans le remploi des photographies de Cañellas par des tiers qui en effacent (gomment, grattent ou surchargent) la signature. C’est régulièrement le cas pour les photographies reproduites sous forme de cartes postales ou reproduites dans des revues, comme dans l’exemple suivant :
Ici, l’existence parallèle d’un tirage papier portant la signature JMC permet d’attribuer sans équivoque la reproduction au photographe. Accessoirement, elle permet de détecter les procédés utilisés pour anonymiser la photographie. Sur la reproduction en revue, on décèle assez aisément le travail de surcharge de la signature qui ne restitue qu’imparfaitement le dessin des lignes du tapis qu’on voit dans la photographie originale. D’autres exemples illustrent diverses autres manipulations, et notamment les recadrages.
De même, Fourquier signalait par exemple (p. 6) l’utilisation sans signature de JMC 4681 dans l’ouvrage The Real Latin Quarter au chapitre consacré au Bal des Quat’z’ Arts7.
Il va de soi qu’on n’identifie pas toujours un tel tirage original signé et numéroté. D’autres pistes doivent être alors explorées pour suggérer une attribution à Cañellas.
L’une d’entre elles est la mise au jour de séries (séquences de clichés pris au cours d’une même séance dans un même environnement, avec les mêmes modèles et les mêmes accessoires8). À l’occasion, une série permet de relever, à côté de tirages pourvus d’une signature, des tirages qui en sont dépourvus, mais dont l’attribution à Cañellas est, du fait même de la série, sans équivoque. De mon expérience, le cas se présente avant tout pour les photographies de nus.
Dans l’extrait de série suivant (dite du modèle « Aubral9 », voir une version plus complète de la série ici), deux des quatre photographies font apparaître la signature et deux autres non :
La similarité des divers clichés ne laisse planer aucun doute : ils relèvent tous d’une même séance de prises de vue et la présence d’une signature sur certains d’entre eux permet alors d’attribuer au photographe les clichés non signés.
Pplusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer la présence, dans ces séries, de clichés non signés à côté de clichés signés.
Première hypothèse : Cañellas photographie ses nus à l’aide d’une chambre stéréoscopique et tous les clichés produits au cours de la séance le sont dans ce format.
- La raison en serait que ces photographies répondent à des commandes d’un circuit de distribution de nus en stéréoscopie — commandes émises, par exemple, par des éditeurs de revues10.
- Dans cette perspective, les négatifs stéréoscopiques ne sont pas signés, les plaques sont transmises telles quelles au commanditaire et c’est sous cette forme anonymisée qu’on retrouve les clichés dans le commerce, généralement collés sur des supports comme le suivant :
Vue stéréoscopique sur un carton siglé « Cosmopolitan Série » [sic].
Image tirée de la série « Laure ». - Toutefois, avant de se défaire des plaques stéréoscopiques, Cañellas conserve pour son usage propre une copie en regénérant un négatif au format usuel à partir du négatif d’une des deux vues de la stéréoscopie.
- Ces plaques simples dérivées sont alors signées (ou pas, du reste).
L’existence des deux supports expliquerait qu’on puisse trouver, dans une même série, des tirages en mode stéréo (effectués par les commanditaires) et d’autres en mode mono (effectués par Cañellas indépendamment). Dans l’exemple du modèle « Aubral », les deux clichés non signés sont effectivement des vues stéréoscopiques (format carré) alors que les deux clichés signés sont des tirages de plaques mono-vues (format cabinet).
Et cet exemple n’est pas un cas isolé : sur l’ensemble du corpus de la base Photographie des Artistes, je n’ai trouvé aucun exemple de vue stéréoscopique signée.
Un tel scénario soulève cependant plusieurs objections.
- La première, c’est qu’on ne connaît pas de doublons d’une même photographie au format stéréoscopique et au format mono. Aucun exemple ne vient donc étayer le scénario esquissé ci-dessus. Mais il est vrai que le corpus sur lequel je m’appuie est encore restreint (sur un total d’un millier de photographies, la base ne recense à ce jour qu’une trentaine de vues stéréoscopiques) ; il est donc tout à fait possible qu’un doublon apparaisse au cours des recherches à venir.
- Une seconde objection, plus technique, tient au mode de reproduction des plaques qui serait requis dans ce scénario : les vues individuelles sur une plaque stéréoscopique sont de petite taille (env. 5 × 5 cm) et ne permettent pas la production de plaques simples aux formats usuels par tirage-contact ; il est nécessaire d’en passer par un agrandisseur. Cette manipulation était évidemment à la portée de Cañellas — on sait qu’il était intéressé par les aspects techniques de son métier11 — mais la question est alors celle du temps et de l’effort requis par ces manipulations : le jeu en valait-il la chandelle ? l’opération était-elle commercialement rentable ?
D’où une seconde hypothèse pour expliquer la variété des formats des vues dans les séries : Cañellas photographie ses nus à l’aide de plusieurs dispositifs exploités en parallèle (une chambre ordinaire et une chambre stéréoscopique). Les clichés de la série sont alors produits dans l’un et/ou l’autre format.
L’exemple suivant me paraît illustrer une telle hypothèse :
Les deux clichés sont pris à très peu de temps l’un de l’autre. Mais l’angle la prise de vue n’est pas exactement le même (comme on le voit à l’alignement des pieds du guéridon), ce qui signale soit un déplacement de la caméra en même temps qu’un changement de plaque — mais les modèles, et particulièrement la fillette, auraient-elles pu garder la pose aussi soigneusement durant ces opérations ? —, soit l’utilisation d’une seconde caméra posée à côté de la première, ce qui est l’hypothèse envisagée ici. En supposant les deux caméras préparées à l’avance, le photographe pouvait enchaîner les deux vues simultanément ou presque.
Avec les deux dispositifs, la question de dupliquer les plaques ne se pose plus. En revanche, se pose la question de la manipulation simultanée de plusieurs appareils durant la séance de prise de vues : Cañellas opérait-il seul ou se faisait-il assister par un tiers ? Impossible encore de répondre, même si plusieurs arguments semblent plaider pour la présence d’au moins un (ou une) assistant(e).
Note — Du fait de la concomitance dans les séries des formats stéréos et monos, je ne retiens pas l’utilisation d’un unique appareil à changement de plaques automatique pour produire ces séries. Cañellas était peut-être un utilisateur de tels appareils (relativement communs dès le début des années 189012), voire même un concepteur de tels prototypes, mais, à eux seuls, ces appareils ne me semblent pas en mesure de rendre compte de la production des séries évoquées ici.
L’absence du monogramme JMC et d’un numéro sur une photographie n’est donc pas toujours un obstacle à son attribution à Cañellas. Mais l’absence d’un numéro complique un peu l’évaluation de sa position dans l’ensemble des travaux de notre photographe.
Toutefois, on va le voir, la numérotation des photographies, lorsqu’elle est attestée, pose elle-même des difficultés d’interprétation.
Photographies numérotées, combien de divisions ?
On l’a dit, le corpus des photographies attribuées ou attribuables à Cañellas s’élève aujourd’hui (juin 2024) à quelques 1900 unités (environ 1300 pour la part parisienne et environ 600 pour la part catalane).
Le corpus catalan est presque intégralement constitué de photographies portant le monogramme JMC et un numéro. De ce point de vue, il est très cohérent et n’appelle pas de commentaires particuliers. (Je formulerai plus loin quelques observations, notamment à propos de la numérotation des photographies qui ne relèvent pas de l’Album Rubaudonadeu.)
Tel n’est pas le cas pour les photographies parisiennes : sur les 1300 photographies répertoriées, seules 500 d’entre elles portent un monogramme et un numéro. Les 800 autres ont été identifiées sur la base de recoupements avec les premières, soit via des séries scénarisées comme celles évoquées plus haut, soit via le repérage d’éléments attestés dans des photographies homologuées (réapparition d’un modèle, accessoires récurrents caractéristiques, toiles peintes de décor à l’arrière-plan). Ces recoupements — qui ne sont envisageables que pour les épreuves réalisées en studio — sont plus ou moins probants ; je me suis efforcé de les caractériser au mieux dans les notices associées à chaque photographie.
Aussi limité soit-il, ce corpus d’environ 500 photographies parisiennes signées et numérotées reste suffisamment conséquent pour permettre un premier niveau d’analyse des schémas de numérotation à l’œuvre. On gardera à l’esprit que le corpus n’est sans doute pas pleinement représentatif de ce que fut la production de Cañellas ; du moins est-il représentatif de la mémoire publique qui aura été conservée de ce photographe.
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Comme l’avaient déjà relevé Anna Capella et Jaume Santaló, la distribution des numéros JMC s’articule autour de trois grands sous-ensembles :
- les numéros inférieurs à 1000, regroupant les premiers travaux de Cañellas, exécutés pour la plupart à Paris et mêlant portraits, scènes de rue et clichés d’animaux :
- la base de données en recense aujourd’hui une centaine (numéros échelonnés entre 7 et 953) ;
- les photographies de l’Album Rubaudonadeu :
- l’album en comprend 555 (numéros compris entre 1001 et 1567), dont 31 sont répertoriées dans la base de données ;
- les numéros supérieurs à 4000, concernant exclusivement des nus :
- la base de données en recense aujourd’hui 360 (numéros échelonnés entre 4002 et 6471).
Dans cette distribution, on observe une importante rupture entre le dernier numéro de l’Album Rubaudonadeu (1567) et le premier numéro des nus, dont la numérotation semble en effet commencer au numéro 4000. Sur cet intervalle, on ne connaît aucune photographie portant un numéro inférieur à 2000 ; sur la plage 2000-3999, on n’en connaît qu’un tout petit nombre13.
Graphiquement, la répartition des numéros JMC aujourd’hui connus par tranches de mille est la suivante :

En volume, l’Album Rubaudonadeu rassemble le plus grand nombre de photographies numérotées de Cañellas (54 % du total). Suivent les nus (36 %) puis les premiers travaux (10 %).
Ces chiffres traduisent sans doute plus un état de préservation des photographies qu’autre chose : alors que l’Album Rubaudonadeu a heureusement survécu sans perte, le restant du travail de Cañellas a souffert après sa mort d’une dispersion rapide et incontrôlée. La préservation jusqu’à nos jours d’un nombre conséquent de photographies de nu relève probablement moins d’un souci de sauvegarde patrimoniale que d’un attrait toujours renouvelé chez les collectionneurs pour les « études d’après nature ».
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Anna Capella et Jaume Santaló adoptaient — avec précaution — un point de vue chronologique pour l’interprétation d’ensemble de la numérotation : la série de l’Album Rubaudonadeu (1001-1567) étant clairement datée (hiver 1888-1889), les photographies avec un numéro inférieur devaient être datées antérieurement à celles de l’album et celles avec un numéro supérieur postérieurement. C’est la conclusion à laquelle parvenait également Fourquier : « la majorité des tirages de scènes parisiennes […] portent des numéros inférieurs à 1000. Elles ont donc été prises avant l’hiver 1888-1889. »
Or, il semblerait que les choses ne suivent pas un schéma aussi simple.
Une numérotation séquentielle et chronologique ?
Les auteurs cités sont conscients que la vision chronologique de la numérotation ne rend que partiellement compte de la production de Cañellas. On peut sans doute aller plus loin et suggérer que cette vision chronologique — si elle doit s’appliquer — ne s’applique qu’au sein de sous-ensembles de numéros et, de plus, ne concerne qu’une partie du corpus.
Je crois déceler au moins deux logiques de numérotation assez distinctes dans la production de Cañellas : l’une propre aux photographies « tous publics » (de 1 à 3999), l’autre propre aux photos de nu (au-delà de 4000). Et elles ne paraissent opérantes que sur une partie des photographies concernées.
De manière générale, j’ai tendance à penser que la numérotation des photographies de Cañellas et, plus généralement, l’organisation de son fonds sont passés par plusieurs états successifs. Certains de ces états ont été bien établis et poursuivis de manière cohérente (c’est le cas de l’Album Rubaudonadeu), d’autres furent bien moins établis, parfois peut-être même seulement amorcés puis assez vite abandonnés.
Enfin — divers indices plaident en ce sens —, il est vraisemblable que différentes personnes soient intervenues, à différentes périodes, pour mettre en place différents schémas de numérotation.
Numérotation inférieure à 4000
Pour cet ensemble de photographies, la numérotation me paraît être organisée sur une base thématique.
Je crois en effet repérer, au moins partiellement, des regroupements ou classes thématiques délimitées par des plages de numéros dédiées. Cette classification a sans doute été élaborée de manière progressive et empirique, sans plan préétabli (Cañellas n’est sûrement pas un disciple de Melvil Dewey ou de Paul Otlet !). Par la suite, les préoccupations de Cañellas ayant évolué, cette façon de procéder est vraisemblablement tombée peu à peu en désuétude pour être remplacée par une simple sérialisation à vocation purement commerciale des clichés. J’y reviendrai un peu plus loin.
Pour les travaux des numéros inférieurs à 2000, voici les groupements que je crois pouvoir repérer.
Plage de numéros | Caractéristiques & exemples |
---|---|
001-199 |
Ensemble hétérogène, sans unité thématique. On y trouve des portraits divers, des mises en scène (la religieuse), des portraits d’animaux. Mon hypothèse est que cet ensemble forme le reliquat des premiers travaux de Cañellas, qu’il numérotait de façon purement séquentielle. Pour une part, ces photographies ont été reclassées et renumérotées. |
200-299 |
Instantanés de rue à Paris. Nombreux clichés pris à Montmartre, non loin des studios de la rue André-del-Sarte et du boulevard de Clichy, mais également aux Champs-Élysées ou vers la place de la République ou encore quai Conti. Fourquier répertoriait un cliché JMC 202 (vue de la rue Tardieu). |
300-399 | |
400-499 | |
500-899 |
Entre 500 et 900, les thématiques ou sous-thématiques sont plus difficilement repérables. Il s’agit globalement d’instantanés de rue à Paris, comme pour la plage 200-299, mais sans ordre particulier. Divers sous-ensembles peuvent être identifiés, sans que les numéros soient regroupés. Ainsi des photographies prises à Longchamp, ou celles des bouquinistes du quai Conti, ou encore celles prises sur la place de l’Opéra. N.B. je ne connais aucun exemple de photographie portant un numéro en 700. |
900-999 | |
1000-1999 |
De ce que j’en comprends, la démarche aura été la suivante :
- Cañellas accumule ses premières photographies « en vrac », de façon simplement séquentielle. Certaines sont numérotées mais beaucoup ne le sont pas.
(C’est ce qu’on peut encore ressentir en parcourant les photographies de la série 001-199 : on n’y décèle pas vraiment d’unité comme avec les photographies de numéros plus élevés.) - À un certain point, la nécessité de les classer par thèmes ou par destinations se fait ressentir.
- Cañellas détermine alors diverses classes thématiques en fonction de ses besoins (les animaux, les enfants, les instantanés de rue…).
Il trie dès lors ses clichés selon ces classes (et par exemple les range dans des boîtes ou des casiers dédiés). - En créant une classe, Cañellas lui réserve une plage de numéros qui seront ceux des photos de cette classe.
Mon hypothèse est que cette réservation se fait par tranches de cent numéros ou de multiples de cent numéros (par exemple, de 400 à 499 pour les photos d’enfants ou de 900 à 999 pour les photos d’animaux).
Les numéros sont réservés mais ils ne sont pas forcément tous attribués.
Et il s’agit pour chaque classe d’un stock de numéros potentiellement attribuables, ce qui ne signifie pas que toutes les photographies relevant de cette classe reçoivent un numéro. - Les classes n’étant pas toutes définies d’emblée, Cañellas en crée de nouvelles au fur et à mesure de ses besoins et réserve de nouvelles plages de numéros.
L’apparition de nouvelles classes peut entraîner ici ou là des reclassements et donc amener à renuméroter des photographies déjà numérotées. On en trouve plusieurs exemples (voir ici en fin de billet). - Enfin, si la nécessité s’en fait sentir (par exemple, une saturation des numéros disponibles dans une plage), une même classe peut être complétée par une ou plusieurs autres plages de cent numéros sans nécessaire continuité avec les premiers numéros (c’est une des explications que je vois aux numéros atypiques en 2000 et 3000).
Selon cette façon de procéder, l’alimentation en photographies de chacune des classes — et donc l’affectation de numéros — est indépendante des autres classes. La chronologie est éventuellement préservée au sein de chaque classe, mais elle n’est plus maintenue au niveau global. C’est l’explication que je vois à l’existence de photographies postérieures à celle de l’album Rubaudonadeu et portant un numéro inférieur, ainsi qu’à celles antérieures à l’album Rubaudonadeu mais portant un numéro supérieur (voir ci-dessous).
aparté
L’Album Rubaudonadeu me paraît illustrer de manière exemplaire la procédure décrite ici.
En réponse à la commande qui lui est passée, Cañellas crée une classe dédiée et en fait commencer les numéros à 1000. Il en étend d’emblée la plage sur mille numéros (dix fois cent), de 1000 à 1999 (peut-être s’agissait-il du nombre de plaques que Josep Rubaudonadeu lui avait financées). L’album définitif n’utilisera finalement qu’une partie des mille numéros (entre 1001 et 1567), mais le complément (1568-1999) ne sera pas réalloué et demeurera inusité (à ma connaissance, du moins). De fait, la prochaine classe créée débutera au numéro 2000.
De retour à Paris après l’exécution de l’album (terminé en février 1889), Cañellas reprend et poursuit ses travaux parisiens, en particulier les instantanés de rue, et continue ce faisant d’alimenter des classes préexistantes, en produisant donc des photographies aux numéros inférieurs à ceux de l’album.
C’est peut-être une organisation du même ordre qu’on pourrait reconnaître dans le petit ensemble des numéros 2000. On y relève trois sous-ensembles thématiques groupés dans des plages de numéros bien distinctes :
- un portrait d’enfants (JMC 2014) qui pourrait relever d’une classe 2000-2099 parallèle à la classe 400-499 ;
- sept vues de la fête patronale de Vilafranca del Penedès en Catalogne (entre 2238 et 2253) qui pourraient relever d’une classe 2200-2299 (voire 2100-2499) parallèle à la classe 1000-1999 de l’Album Rubaudonadeu14 ;
- un instantané parisien pris lors de l’inauguration du monument à Gambetta (JMC 2500) qui pourrait relever d’une classe 2500-2599 parallèle aux classes 200-299 et 500-899.
De même pour le très petit ensemble des numéros 3000. Les deux photographies connues présentent, la première, un portrait de garçonnet (JMC 3006 — figurant, comme JMC 2014, dans la première centaine des numéros), la seconde, l’espace public parisien (champ de courses de Longchamp, JMC 3100). On pourrait alors hasarder deux plages de numéros correspondant à deux ensembles thématiques : 3000-3099 (portraits d’enfants, travaux pour artistes) et 3100-3?99 (vues de Paris). Mais le volume de données est bien entendu trop faible pour aller plus loin qu’une simple suggestion.
De futures découvertes de photographies numérotées permettront peut-être de valider et d’affiner cette vision des choses — ou de l’invalider !
Numérotation supérieure à 4000 (les nus)
La numérotation des nus ne me semble pas suivre le schéma précédent.
Dans ce vaste ensemble, je ne parviens pas vraiment à identifier des tranches homogènes de centaines de numéros comme précédemment, quoiqu’il soit assez facile de repérer des suites de numéros proches les uns des autres qui forment des groupes cohérents. Il s’agit alors de séries constituées par la présence répétée sur les clichés d’un même modèle (parfois des deux mêmes modèles) dans un même décor. Les exemples sont très nombreux. Mais, d’une part, ces séries ne semblent pas débuter avec un numéro rond (100, 200, 300…) et, d’autre part, on y observe fréquemment des interpolations, qui font apparaître, dans la suite des numéros de la série, des photographies relevant manifestement d’une autre série (avec un autre modèle, par exemple).
aparté
Un tel exemple d’interpolation est donné par JMC 4219, qui vient s’insérer dans une série d’un autre modèle (dite « Lucienne »), dont les numéros s’échelonnent entre, minimalement, 4201 et 4220 :

Outre le changement du modèle et du décor, l’interpolation semble confirmée par l’observation graphologique de la signature, qui fait apparaître des différences très nettes dans l’écriture des chiffres « 2 » et « 4 » :

Pour les nus, l’abandon des tranches de numéros par centaines se comprend si, comme on peut le penser, les ensembles se définissent ici à partir des modèles individuels photographiés plutôt qu’à partir de thématiques génériques (les animaux, les enfants, les instantanés de rue…). Le volume de photographies réalisées lors d’une séance avec un modèle n’exige sans doute pas de réserver à chaque fois une centaine de numéros15.
En revanche, on peut observer dans les nus l’emploi récurrent d’un schéma par lequel des séries de photographies homogènes (définies par un même modèle) distinguent et listent à part l’une des photos comme la « représentante » de la série. Cette image isolée porte alors un numéro compris dans la plage 4000-4099, alors que l’ensemble des numéros des autres images de la série s’en trouve très éloigné.
Ainsi de JMC 4041 qui joue le rôle d’index d’une série dont les numéros s’échelonnent de JMC 5772 à JMC 5811 (série dite du modèle « Villa ») :


(numéros 5772-5811)
Autres exemples d’un tel schéma à index :


(numéros 5202-5238)


(numéros 553x-554x)


(numéros 584x)
Je ne suis toutefois pas encore parvenu à associer toutes les photographies de la plage 4000-4099 à des ensembles attestés ailleurs. Mais l’intégralité du corpus des nus de Cañellas est encore loin d’avoir été établie.
Mise en question de l’enregistrement simplement chronologique
Fourquier donnait déjà l’exemple de la vue de l’inauguration du monument à Gambetta (JMC 2500), datable du 13 juillet 1888, et donc antérieure aux photographies de l’Album Rubaudonadeu malgré son numéro supérieur. Il en concluait que cette photographie « [faisait] sans doute partie d’un autre système de numérotation ».
Pour ma part, j’ai avancé qu’un certain nombre d’instantanés de rue pris à Paris, dont les numéros sont inférieurs à 1000, pouvaient être datés postérieurement au séjour en Alt Empordà. C’est, me semble-t-il, le cas pour certaines des photographies prises place de l’Opéra, qui dateraient de mai ou juin 1889 (juste avant l’ouverture de l’Exposition universelle) et, de façon plus probante encore, pour certains clichés de foules dans les rues, qui dateraient de 1893 (voir la notice associée à JMC 805 et la discussion sur les clichés JMC 875 et 876).
Ces exemples me paraissent suffisants pour battre en brèche l’idée d’une interprétation simplement chronologique des numéros des photographies de Cañellas.
On peut les compléter par d’autres, tirés cette fois de la petite série des numéros en 2000 décrite plus haut.
Si la photographie des deux enfants ne peut pas être datée, les autres peuvent l’être. Les photographies prises à Vilafranca (série 22xx) l’ont été à la fin de l’été 189116, alors que la photographie de l’inauguration du monument à Gambetta (2500) l’a été en juillet 1888.
Encore une fois, la séquentialité chronologique n’est clairement pas respectée. C’est un nouvel argument pour déconnecter la numérotation des photographies de la chronologie de leurs prises de vue. Celle-ci n’est préservée — au mieux — qu’au sein de leurs classes thématiques.
À quoi répond la numérotation des photographies ?
À une perspective de référencement dans un cadre commercial, c’est certain. Peut-être aussi de classement ou de catalogage — mais alors une perspective émanant du photographe lui-même, et non pas d’un archiviste travaillant a posteriori.
La numérotation des clichés intervenant très tôt dans la production de Cañellas, je ne suis pas certain qu’elle répondait — ou répondait d’emblée — à un plan de classement raisonné. Je la conçois plutôt — à ses débuts du moins — comme une simple liste séquentielle des photographies, numérotées au fur et à mesure de leur production. D’autres finalités interviendront plus tard, certainement, pour répondre à une volonté de classement plus élaborée, sans doute sur des critères thématiques.
J’aime à penser qu’il existait, dès les débuts de la numérotation, un document papier servant d’index et répertoriant les photographies d’après leur numéro. Peut-être un tel index existait-il même avant que Cañellas ne décide de numéroter ses clichés. Peut-être s’agissait-il d’un simple calepin consignant pour chaque photographie une date, un lieu, un nom s’il s’agissait d’un portrait. Peut-être aussi un prix ou une indication d’un nombre de tirages… Il serait intéressant d’aller étudier les pratiques des photographes de l’époque en la matière.
À ce jour toutefois, nulle trace d’un pareil index. Mais il paraît difficile de douter de son existence. Ne serait-ce que pour le suivi des commandes et des ventes. La perspective commerciale, donc.
Deux documents peuvent être mis en avant pour étayer le propos.
Correspondance commerciale
Le musée de l’Empordà conserve une intéressante lettre manuscrite de Cañellas datée du 9 juillet 190117. Il s’agit d’une réponse à un client, dans laquelle le photographe fournit plusieurs indications sur ses pratiques commerciales et tarifaires. En voici la retranscription (orthographe corrigée) :
La lettre est intéressante à plusieurs titres.
Tout d’abord par la mention des « références » (ou « feuilles »). Cañellas en évoque vingt-cinq, qui paraissent constituer son catalogue — ici de photographies en stéréoscopie — et qu’il distribue au prix de « cinq francs ». Il faut sans doute entendre des feuilles présentant des vues miniatures des photographies réelles par groupes de 4, 6, 8 ou plus. La pratique semble avoir été courante assez tôt dans le monde des photographes. Ainsi des très-nombreuses planches de Louis Igout publiées par Calavas et quelques-unes de… Cañellas lui-même (voir ci-dessous).
On ignore l’aspect de ces feuilles et leur mise en page. Cañellas affichait-il les miniatures des stéréoscopies entières ou seulement celles d’une des deux images ?
L’existence de telles feuilles suppose la mise en place de l’index évoqué plus haut référençant les photographies reproduites et permettant de « faire son choix » comme l’indique la lettre. Si le besoin s’en faisait sentir, l’index pourrait également permettre de moduler les tarifs de vente, par feuille ou par élément dans les feuilles.
C’est le second point intéressant de la lettre : les prix. Outre ceux des feuilles de référence, on apprend les tarifs des photographies distribuées comme cartes postales (80 centimes les 10 par lots de 12) ou des tirages de gros (6 francs les cent, 50 francs les mille). Je n’ai pas eu l’occasion d’étudier de plus près l’économie du monde de la photographie de la Belle Époque, mais voilà donc quelques éléments qui y contribuent.
Enfin, dernier point, le courrier évoque un « genre de photographies » bien particulier. Nul doute qu’il s’agisse de photographies de nu. Et les précautions à prendre que mentionne Cañellas pour l’expédition de ce type de correspondance en disent long sur la nature de ce commerce et la fragilité de son alibi artistique ou académique…
Avec cette lettre, on aperçoit donc certains aspects de la commercialisation des photographies de Cañellas, en particulier celui de la vente en gros. Était-ce le canal privilégié par Cañellas ? C’est bien possible. Il complétait son activité de free-lance auprès de commanditaires divers pour assurer la meilleure part de ses revenus.
Matériel commercial
Toujours sur ces aspects commerciaux, le hasard m’a fait mettre la main sur une étonnante photographie — que je suppose être de Cañellas — au format 13 × 18, dont le sujet est un ensemble de seize photographies de nu épinglées sur un mur ou un tableau et portant en titre les mentions « Série 5000 » et « J.M.C. ».

(JMC, série 5000 [348-363])
On remarquera le travail méticuleux d’assemblage des diverses photographies les unes avec les autres pour former un ensemble solidaire, apte peut-être à être suspendu à un mur (?). Je ne suis pas parvenu à identifier la nature des attaches utilisées (des épingles dont la tête pouvait pivoter pour retenir ou libérer la photographie ?). La grande feuille qui sert de support à ce montage est parcourue d’un quadrillage de lignes horizontales et verticales tracées au crayon délimitant les seize emplacements disponibles. Manifestement, la feuille a dû servir de supports à plusieurs ensembles de seize photographies.
Sur cette image, chacune des seize miniatures reçoit son propre numéro, séquentiel — en l’espèce de 348 à 363, dupliquant le numéro inscrit dans le négatif (de 5348 à 5363). De fait, je reconnais un certain nombre de photographies (sur les seize de cette liste, sept sont référencées de façon autonome dans la base de données ; voir la série Série « Janeir »), et notamment la fameuse photo JMC 5355 utilisée sans l’accord de Cañellas en couverture d’un « roman antique » de l’éditeur Charles18.
Il me semble tenir là un bon exemple de ce que pouvaient être les « références » évoquées dans le courrier commercial précédent.
aparté
Deux remarques.
La série de seize miniatures sur la feuille ne présente qu’un sous-ensemble des photographies faites avec l’un ou l’autre des deux modèles qu’on y aperçoit, ce qui laisse entendre que cette feuille de référence ne cherchait pas à restituer en tant que telle la séquence originale des prises de vue. Il s’agit d’une simple liste de photographies, à la manière d’un présentoir de cartes postales dans une boutique.
Pour autant qu’on en puisse juger, l’ordonnancement des vues selon leurs numéros ne correspond sans doute pas vraiment à l’ordre des prises de vue. Par exemple, en JMC 5348 le modèle apparaît les cheveux défaits, alors que son chignon est encore en place sur JMC 5349. Même remarque pour JMC 5352 et JMC 5355.
Ce me semble là des indices pluôt solides pour envisager une numérotation faite a posteriori, sans le secours d’un ou d’une scripte de plateau, sans volonté de restituer l’ordre des prises de vue, mais dans le seul but de permettre l’identification des photographies commandées par des clients, comme le destinataire du courrier cité ci-dessus.
Cet exemple n’est pas unique. Un de mes correspondants a pu acquérir en parallèle un autre exemple très similaire, toujours au format 13 × 18, reproduisant à nouveau sous forme miniature seize photographies de nu signées JMC.

(JMC, série 5000 [700-715])
Il s’agit à nouveau de photographies de nu tirées de la série des numéros en 5000, de 5700 à 5715. Ici, la série commence avec un numéro rond (5700), ce qui, contrairement à l’exemple précédent, pourrait indiquer le début d’une nouvelle sous-série, mais, faute de disposer d’exemples plus nombreux, il est difficile d’aller au-delà de simples hypothèses19.
À noter également que le support sur lequel sont apposées les miniatures est différent dans les deux exemples : si le dispositif est identique, la grande feuille sous les miniatures n’est pas la même et les étiquettes « Série 5000 » et « J.M.C. » ne sont pas les mêmes non plus. Cañellas (ou ses assistant(e)s) avait donc réalisé plusieurs montages qu’il a photographiés un à un. Avait-il réalisé des montages pour l’ensemble des photographies 5000 ? Cela représente plus de 60 groupes de 16 photographies. Et plus de 150 groupes si l’on envisage des feuilles pour l’ensemble des nus (des numéros 4000 à 6500 environ).
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De ce qui précède, on peut tirer que la numérotation des clichés a sans doute visé plusieurs fins, au reste non exclusives les unes des autres.
Une fin commerciale, avant tout, pour laquelle la numérotation joue un rôle de référence partagée avec les clients ou les prospects. Cette numérotation doit avoir été recensée dans un index général et réapparaît notamment dans les catalogues (ou « références ») adressés (contre paiement) aux chalands. Mais la numérotation a également servi, au moins durant les premières années d’activité de Cañellas, de système de classement thématique réservant des plages de numéros à telle ou telle catégorie de photographies. La liste de ces catégories n’est pas connue (elle est seulement inférée de certains schémas de numérotation) ni non plus leurs finalités : s’agissait-il d’une initiative purement intellectuelle ? d’un souci d’organisation d’ordre matériel dans son studio ? de réponses à des demandes de sa clientèle, et notamment des artistes ? d’une stratégie marketing de promotion de son savoir-faire ?
L’élément-clé manquant dans cette reconstitution, c’est évidemment l’index de Cañellas. Existe-t-il seulement encore quelque part ? Au vu de la décision prise par sa veuve de se défaire de tout le fonds, on peut en douter. Et il restera de ce fait difficile de circonscrire le corpus des photographies de Josep Maria Cañellas.
Mais manquent aussi sa politique tarifaire ou son livre de comptes. On en devine quelques aspects dans le courrier commercial commenté ci-dessus. L’exemple est parlant mais il est limité. Il serait nécessaire d’étudier d’autres documents de ce type. Or, la chasse à de tels documents s’avère particulièrement ardue et les espoirs sont minces.
Enfin, pour mieux évaluer la santé financière de la marque « J.M.C. », il serait également nécessaire d’aller fouiller la littérature spécialisée de l’époque et les décisions de justice pour obtenir des indications sur les prix pratiqués et les volumes des transactions réalisées dans la corporation des photographes parisiens. Peut-être même des travaux ont-ils déjà été menés sur ce sujet ? Mais on dépasse de beaucoup le cadre de ce simple billet.
Quelques configurations particulières dans la numérotation des photographies de Cañellas
Pour clore ce premier tour d’horizon de la numération des photographies de Cañellas, je voudrais relever deux ou trois spécificités propres à certains numéros accompagnant les signatures JMC.
Renumérotation des photographies
Un certain nombre de photographies semblent en effet avoir fait l’objet d’une renumérotation.
Le cas le plus patent est celui de JMC 134. Ce portrait d’une paisible vache saisie dans la cour d’une ferme entourée de divers matériels et outils agricoles faisait partie d’une série, à côté notamment de JMC 135, prise au même endroit.
Le musée de l’Empordà à Figueres — où sont conservés ces deux tirages — possède un troisième tirage, JMC 940, qui est le même, à quelques détails de cadrage près, que JMC 134 :

Le doute n’est pas permis : un examen de la signature de JMC 940 revèle nettement l’ancien numéro sous le nouveau :

Sur JMC 940, le monogramme « JMC » est inchangé ; le « 1 » initial est partiellement effacé ; le « 9 » se superpose au « 3 » initial; le « 4 » est réécrit par-dessus l’ancien ; un « 0 » est rajouté.
Cet exemple vient étayer l’hypothèse évoquée plus haut d’une renumérotation de certaines photographies dans le cadre d’une opération de reclassement thématique. Selon ce scénario, suite à la création de la catégorie des portraits d’animaux (900-999), JMC 134, déjà numéroté mais hors catégorie, a été intégré à cette nouvelle catégorie sous le numéro 940. Les premiers tirages mis en circulation le furent sous le numéro 134, les tirages subséquents le furent sous le numéro 940.
Il est vraisemblable que JMC 135 aura subi une renumérotation similaire.
D’autres exemples sont plus sujets à caution. Je crois déceler une réécriture du numéro dans le cliché atypique des pêcheurs au port :


où le « 6 » paraît se superposer à un « 1 » antérieur. Si tel est bien le cas, on aurait un nouvel exemple d’une photographie hors catégorie (JMC 122) migrée dans une catégorie thématique sous le nouveau numéro 62220.
Doublons de numéros
Comme l’avaient déjà relevé Anna Capella et Jauma Santaló, on trouve un doublon (JMC 24) dès les premiers numéros affectés aux photographies :

Reproduction tirée du catalogue de l’exposition Cañellas au musée de l’Empordà.

C’était l’unique exemple rencontré par les auteurs et il restait inexpliqué.
aparté
Pour ma part, je trouve très étonnant qu’un tel doublon ait pu être généré si tôt dans la production de Cañellas — en admettant bien sûr que la numérotation ait été séquentielle suivant la chronologie des prises de vue. Avec le № 24, le stock des numéros déjà affectés était très limité et il paraît peu vraisemblable qu’on ait pu se tromper dès ce stade dans l’incrémentation du compteur de photographies. D’autant que le portrait de la danseuse fait partie d’une série de plusieurs clichés, tous numérotés dans un intervalle cohérent (minimalement, de 15 à 24).
Pour moi, c’est donc le portrait du vieillard qui aura reçu le numéro 24 en double. La série de la danseuse avait déjà été établie et numérotée.
La seule explication qui me vienne à l’esprit est celle d’une intervention largement postérieure, visant à signer et à numéroter le portrait du vieillard qui était resté jusque là sans signature. On lui affecte alors le № 24 sans vérifier au préalable si ce numéro n’était pas déjà affecté. Est-ce une intervention de Cañellas lui-même ou celle de quelqu’un d’autre ? Nous ne le saurons probablement jamais. On peut toutefois relever une graphie des chiffres 2 et 4 sensiblement différente entre les deux photographies.
Quoiqu’il en soit, l’affectation de ce second № 24 se fait donc sans se référer au fameux index dont je postule l’existence. Et la raison en est peut-être à chercher dans la mention d’un numéro 24 isolé, sans doute présent sur le négatif avant la mention de la signature (il apparaît inversé dans le coin inférieur gauche du tirage positif).

J’ignore le statut de ce 24 isolé en bord de plaque (il n’est pas précédé du monogramme JMC21), mais il est fort probable que, lorsqu’il fut décidé de numéroter cette photographie, il ait été interprété comme le numéro d’affectation de cette photographie et repris tel quel dans la rédaction de la signature finale avec le monogramme JMC.
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JMC 24 n’est pas le seul exemple de doublon. J’en ai découvert quatre autres, parmi les photographies de nu — dont, pour certaines, je ne connais que des versions dérivées en chromolithographies.








L’observation des signatures montre une différence prononcée entre la graphie de la série a et celle de la série b (dessin de la lettre J et des chiffres 4 et 7). On a clairement affaire, pour la série b, à une autre main que celle ayant signé la série a.


À noter que tous ces doublons se concentrent sur une plage très restreinte de numéros (entre 4239 et 4291). On peut éventuellement songer à y adjoindre le cas de JMC 4219 vu plus haut, qui semble se rattacher à cette même série b (sans qu’un doublon ait encore été détecté).
Par ailleurs, trois de ces quatre paires de doublons font apparaître un même modèle (en 2b, 3b, 4b), vraisemblablement photographié au cours d’une même séance. Dans cette série, dite du modèle série « Rachel », la numérotation est cohérente (entre 4253 et 4299 pour les photographies recensées à ce jour) et toutes les signatures ont été rédigées par la même main, qui n’est donc pas la main habituelle de Cañellas. Sur la base de l’ensemble des clichés de cette série, d’autres doublons sont donc à envisager.
On peut penser avoir affaire à un travail de reprise tardif, peut-être exécuté par un ou une assistante de Cañellas, ou par sa veuve ou sa belle-sœur Victorine-Colombe.
On peut aussi penser, en étant (exagérément) soupçonneux, avoir affaire à un travail de faussaire, attribuant à Cañellas des photographies qui n’étaient pas de lui, dans le but d’en augmenter la valeur marchande. Le modèle « Rachel » ne semble pas réapparaître ailleurs dans le corpus, et je n’ai pas trouvé d’autres portraits de nu de Cañellas utilisant la même toile peinte à l’arrière-plan. Enfin, il est étonnant que des numéros aient été attribués à toute une série de photographies sans vérification préalable de leur disponibilité dans l’index général.
Étonnant, mais pas impossible, bien sûr ; ce fut bien le cas pour JMC 24.
Étonnant tout de même, parce que l’intervention de cette seconde main n’est pas limitée à la série « Rachel ». À ce titre, l’exemple de JMC 4239 (1b ci-dessus) est intéressant.

On y reconnaît la même graphie que pour les autres exemples de la série b ci-dessus, mais on remarque aussi que des points ont été ajoutés au monogramme et au numéro. C’est le seul exemple que je connaisse d’une telle façon de procéder. Et je n’ai pas été en mesure d’associer cette photographie à d’autres dans le cadre d’une série.
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Les doublons dans la numérotation ne sont donc pas seulement des cas de conflit de référencement des photographies concernées ; ce sont aussi — au moins pour les quatre derniers exemples cités — les traces d’une intervention d’un autre acteur que Cañellas.
Encore une fois, cet autre acteur peut être parfaitement légitime, qu’il s’agisse d’un ou d’une assistante, de l’épouse du photographe ou de sa belle-sœur.
De fait, si, sur l’ensemble du corpus, la graphie des signatures paraît constante et homogène, on peut cependant relever d’autres variantes graphiques, particulièrement notables sur certains des numéros les plus élevés (autour de 6300).
Pour ces derniers, l’écriture est visiblement différente — sans être non plus celle des doublons signalés ci-dessus. En voici deux exemples, encadrés par les numéros 6270 et 6452 qui, eux, me paraissent rédigés de la main de Cañellas :
La plage des numéros concernés est, encore une fois, plutôt limitée, mais elle porte sur au moins deux séries de nu différentes.
J’envisage à nouveau l’hypothèse d’une intervention tardive, peut-être postérieure au décès de Cañellas et de la main de son épouse ou de sa belle-sœur. Peut-être s’agissait-il d’une opération de certification des plaques photographiques avant la cession du fonds à un tiers22 ?
Des photographies connues une fois avec et une fois sans numéro
Dernière particularité relative à la numérotation des photographies de Cañellas : les clichés peuvent être connus avec et sans signature (je parle de tirages papier et non pas de reproductions).
Fourquier en évoquait quelques-uns, et en particulier celui du « célèbre cliché du Cheval qui glisse sur les pavés en bois » (JMC 340), déjà mentionné ci-dessus.

Il précise que « le tirage de la collection Dignimont ne portait pas de signature, ni celui de la collection Sirot (peut-être était-ce le même ?) », alors que celui des archives de la ville de Barcelone porte bien une signature.
Apparemment, le cas n’est pas isolé. Dans mes propres recherches, j’ai identifié — via leurs seules reproductions numériques, il est vrai — plusieurs tirages d’une même scène prise à Longchamp (JMC 517). Deux tirages différents affichent chacun la signature avec un numéro ; un troisième en est dépourvu, sans marque visible de retouche.
Note — Le site marchand (Art Resource) d’où provient la 3e reproduction ci-dessus ne fournit malheureusement aucune indication de source pour ce cliché.
Conclusion (provisoire)
Sous l’apparence anodine d’une simple unité d’enregistrement chronologique et séquentielle de ses travaux, la numérotation des photographies de Cañellas soulève donc un certain nombre de questions.
Elles ne me paraissent pas seulement formelles ou accessoires ; elles questionnent entre autres deux points clés de l’œuvre de Cañellas : la datation des photographies et leur attribution à notre photographe.
Sur la question de la datation, je crois avoir accumulé suffisamment d’éléments pour plaider en faveur d’une décorrélation entre l’incrémentation des numéros et les dates de prise de vue. Quitte à devoir réviser les dates avancées pour certains instantanés de rue à Paris.
Sur la question de l’attribution, je ne crois pas qu’il faille mettre en doute la paternité des photographies numérotées, même celles dont la signature fut inscrite par une autre main que celle de Cañellas. La question — sans réponse à ce stade — concerne plutôt l’évaluation des photographies non signées, dont on a vu qu’elles pouvaient être telles de manière volontaire (distribution par des tiers).
Bien sûr, si l’on y prend garde, le risque est alors de tomber dans le travers de Bouvard & Pécuchet — et de commencer à voir la patte de Cañellas un peu partout dans des clichés anonymes de la Belle Époque !
Même s’il est certain que Cañellas a laissé derrière lui bien plus de clichés que nous n’en avons répertorié jusqu’ici.
La quête se poursuit.
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Notes
On en trouvera des illustrations dans le catalogue de l’exposition de 2005 au musée de l’Empordà et, ici même, dans les billets consacrés au studio du 60, boulevard de Clichy et au carton-support illustré par le peintre Hernández.
RetourLorsqu’elle est présente, la signature JMC se veut très visible, a contrario de la pratique d’autres photographes contemporains qui soit ne signent pas leurs négatifs soit les signent d’une manière plus discrète ou plus constante. Louis Vert, Hippolyte Blancard ou les frères Géniaux, par exemple, ne me semblent pas se soucier de faire apparaître une signature (mais les tirages peuvent comporter des mentions au verso du cliché ou apposées sur un carton-support). Inversement, les productions des studios Waléry, parmi beaucoup d’autres, sont systématiquement signées dans le négatif, mais d’une manière standardisée, à l’aide d’un masque (un pochoir ?) prédéfini.
Lorsque la signature de Cañellas est présente, son emplacement sur le cliché est assez variable. Ele apparaît généralement dans l’un des coins inférieurs de la vue, mais la recherche d’une surface suffisamment sombre pour la faire ressortir et/ou les contraintes liées à la composition de l’image peuvent amener à un positionnement ailleurs, comme dans les deux exemples suivants :
On trouve aussi quelques exemples où la signature est inscrite par grattage de la surface impressionnée dans le négatif, résultant au tirage en une signature en noir :

Pour certaines des premières photographies de Cañellas, la signature prend parfois la forme d’un bandeau horizontal ajouté au bas de l’image et mentionnant alors, outre les initiales et le numéro d’ordre, un titre, comme dans l’exemple suivant :

Dans ce dernier exemple, l’inversion du N dans la graphie de MONTMARTRE laisse à penser que le bandeau a été rédigé à l’envers, sur un support vierge superposé à la plaque de verre de la photographie au moment du tirage (par tirage-contact). Peut-être même s’agissait-il d’un bandeau-type, réutilisable (on le retrouve p. ex. sur JMC 215).
RetourL’album est consultable en ligne. Voir les références mentionnées en tête de la page de présentation de l’application Photographie des Artistes.
La base de données de l’application répertorie les 31 clichés de l’Album Rubaudonadeu qui avaient été retenus dans le catalogue de l’exposition de 2005 (cf. Anna Capella, Jaume Santaló, op. cit., pp. 88-109).
RetourUne autre piste à explorer — mes premières tentatives sont restées jusqu’ici lettre morte — est celle d’un éventuel rôle de photographe « officiel », accrédité auprès des autorités espagnoles à Paris (ambassade, consulat et chambre de commerce). C’est ce que l’on pourrait inférer de l’en-tête que Cañellas faisait imprimer sur son papier à lettres :

Peut-être Cañellas aura-t-il tiré le portrait de tel ou tel dignitaire du corps diplomatique espagnol séjournant à Paris ? Et peut-être le cliché du présentoir de bouteilles de vin répondait-il à une commande de la chambre de commerce espagnole dans le cadre d’une exposition qu’elle organisait à Paris ?
Le contenu de la lettre est présenté plus loin.
RetourJ’inclus dans les 1300 les 200 photographies de nu du recueil de la BnF (cote KC-456-FOL) jusqu’alors réputé anonyme et dont il est admis désormais que l’auteur « présumé » est Josep Maria Cañellas. Le recueil est consultable dans Gallica.
Un grand nombre de renvois sont d’ores et déjà établis depuis des photographies de la base de données vers ce recueil (voir les résultats à une recherche sur « recueil de nus BnF ».
J’ai prévu d’intégrer à terme ces 200 photographies, notamment pour en assurer le réordonnancement et mettre au jour des séries par modèle (celles-ci sont aujourd’hui largement fragmentées et dispersées dans le recueil).
RetourLa base de données Photographie des Artistes recense des photographies tirées de sources variées, qu’il s’agisse d’organismes publics de référence (BnF, Archives municipales de Barcelone), de musées (musée Rodin, musée de l’Empordà), de sociétés commerciales (maisons de vente ou sites d’enchères en ligne) ou de collections particulières diverses (notamment celles référencées dans les deux ouvrages cités).
Je ne prétends aucunement avoir fait le tour de la question : toutes les sources déjà connues n’ont pas forcément livré toutes leurs données et il existe certainement d’autres sources à identifier ou à explorer. (Je pense notamment à The Hispanic Society of America à New York pour le versant catalan de la production de Cañellas et aux éventuelles archives des artistes qu’aura côtoyés Cañellas et qui possédaient des clichés de sa main — ainsi du portrait de femme détenu par le musée Bourdelle.)
Sans même parler des épreuves qui « sommeillent encore, en quelque lieu, dans l’indifférence » qu’évoquait Fourquier et dont le réveil réclamera un peu de persévérance…
RetourF. Berkeley Smith, The Real Latin Quarter, New York, Funk & Wagnalls Co., 1901. L’ouvrage est accessible en ligne :
- en version numérisée par la Library of Congress ;
- sous forme d’epub via le projet Gutemberg.
L’illustration tirée de JMC 4681 apparaît en pleine page :

Cf. JMC 4681
On peut compléter le signalement de Fourquier par au moins deux autres reprises dans ce même livre de photographies de Cañellas non attribuées. Manifestement, l’auteur avait accès à un fonds comprenant une vaste sélection des travaux de Cañellas.
P. 132 — La tête de la jeune femme de JMC 5831 :
P. 20 — Une nouvelle vue de la place du Delta, boulevard Rochechouart, où l’on reconnaît l’auvent du café Aux 2 marronniers qu’on voit aussi sur JMC 206 :


Note — J’avance qu’il s’agit d’une photographie de Cañellas sans pouvoir encore le prouver. Mais, d’une part, c’est un lieu qui a été photographié à de très nombreuses reprises par Cañellas, et, d’autre part, les autres emprunts faits dans ce livre à Cañellas rendent l’hypothèse vraisemblable. La photographie a été prise postérieurement au mois d’avril 1886, date de fondation de l’hebdomadaire Le Pilori qu’on voit à la devanture du kiosquier. Et sans doute avant août 1889, date de disparition du « tri-hebdomadaire » L’Entraîneur (qu’on voit également à la même devanture) qui fusionne alors avec La Revue du Turf illustrée sous le titre L’Entraîneur illustré avec une maquette de titre modifiée qui n’est pas celle qu’on voit sur la photographie.
Je n’ai pas réussi à tirer parti des enseignes affichées au-dessus du café et du Bazar du Delta, mais je note qu’on n’y voit pas encore de mention Dufayel, comme ce sera régulièrement le cas à compter de février 1888, date du décés de Jacques François Crespin, fondateur du magasin repris dès lors par Georges Dufayel.
Si ces hypothèses de datation (1886-1888) sont confirmées, on aurait alors affaire à un cliché pris du temps que Cañellas avait installé son studio au 17, rue André-del-Sarte, à deux cent mètres tout au plus de la place du Delta — assez loin, disons-le, du « véritable » Quartier latin…
RetourL’un des apports de la base de données Photographie des Artistes tient justement à la constitution ou à la reconstitution de telles séries.
Celles-ci se présentent soit sous la forme de simples groupements de photographies partageant telle ou telle caractéristique (un élément de mobilier, une pièce de tissu, une toile de décor…), soit sous la forme de suites de clichés ordonnées selon le déroulement d’un scénario (comme les séries à la balancelle ou celle du bain à la cour des lions de l’Alhambra). Dans les séries scénarisées, l’ordonnancement des vues, lorsqu’il est mentionné, n’est pas toujours cohérent.
À ce jour, environ 150 séries ont été identifiées. Elles sont consultables à partir des photographies individuelles qui les composent (p. ex. JMC 5882 donnant accès à l’une des séries de la balancelle) ou par le biais d’une recherche par mot-clé (p. ex. « strip-tease » ou « deux femmes » ou simplement… « série »).
Une sélection aléatoire de séries est également proposée sur la page d’accueil de l’application.
RetourLes noms des modèles associés aux séries sont ici purement conventionnels. Je les ai choisis parmi les surnoms — tous fantaisistes et certains franchement énigmatiques — qui leur ont été attribués dans les reproductions en chromolithographie glissées dans les paquets de cigarettes algériennes.
L’imagination débridée des retoucheurs n’hésite pas à l’occasion à attribuer plusieurs surnoms différents au même modèle.
Je renvoie ici au billet sur le sujet : Voluptés partent en fumée (Josep Maria Cañellas à Alger).
RetourJe tiens ces indications d’un entretien avec un éminent vendeur spécialisé en cartes postales anciennes qui m’expliquait le circuit similaire adopté pour la diffusion des nus sous forme de cartes postales. Pour un grand nombre, ces cartes étaient commercialisées par lots via des officines spécialisées sous la forme d’abonnements. D’où le recours fréquent, pour constituer ces lots, à des scénarios — par ailleurs très convenus, voire très codifiés : le bain, le coucher, la visite du tailleur… — déroulés chacun sur une dizaine ou une douzaine de photographies souvent numérotées.
On en trouvera divers exemples dans la base Photographie des Artistes : le Bain à l’Alhambra ; la Chasse aux papillons ; le Dîner champêtre ; etc.
Parmi les acteurs de ce délicat commerce, il faut nommer Amédée Vignola. Ce serial publisher de revues lestes dans les années 1900-1910 fut à la création notamment du Nu artistique, de L’Étude académique et de Mes Modèles, où l’on retrouve de nombreuses reproductions de nus de Cañellas. Ses revenus provenaient un peu des ventes au numéro de ses revues et beaucoup, semble-t-il, des ventes annexes de tirages papier des photographies qu’il envoyait (sous pli discret) à ses abonnés.
La veuve de Cañellas, Jeanne Martin, et la sœur de celle-ci, Victorine-Colombe, se sont également livrées à ce type de commerce, comme en témoignent les annonces publiées dans la revue Le Nu artistique (voir à ce sujet les éléments rapportés en fin du billet sur le mystère des sœurs Martin). Il est vraisemblable que la démarche avait été initiée par Josep Maria Cañellas lui-même, comme on peut l’inférer de la série de cartes postales du Dîner champêtre déjà citées, qui furent diffusées sous la marque « J.M.C. Paris ».
Pour un panorama des revues de nu du début du XXe s., voir la thèse de doctorat de Manon Lecaplain, « Des corps qu’on offre en spectacle à la foule » ? Les revues du nu en France, 1902-1914., Université PSL, École nationale des chartes, 2021. (Le nom de Josep Maria Cañellas y figure en bonne place.)
RetourÀ l’appui de cette thèse, deux exemples de reproduction de plaques sont discutés dans un billet relatif à un lot de plaques attribuées à Cañellas.
Pour mémoire, Cañellas dépose en juin 1896 un brevet pour un « nouveau système de commande pour la production des photographies animées ». Manifestement, la technique ne le rebutait pas et il y consacrait certainement une bonne part de son temps.
RetourVoir par exemple le compte rendu donné dans l’Annuaire général et international de la photographie (1892) du « Vélocigraphe », « un appareil à répétition et à tir rapide » permettant de réaliser jusqu’à deux clichés en une seconde.

L’absence de photographies sur l’intervalle 1568-1999 peut s’expliquer par le souci de réserver l’intégralité de la plage 1000-1999 aux clichés de l’Alt Empordà (ou, de manière plus générale, aux clichés commandés par Josep Rubaudonadeu), et les isoler ainsi du reste de la production du photographe.
La rareté des photographies sur la plage 2000-3999 (la base de données en recense aujourd’hui 11) réclame d’autres explications.
RetourCe schéma de numérotation qui, au mieux, réserve 400 numéros ne paraît toutefois pas compatible avec le volume total estimé de 600 photographies prises à l’occasion de ce second séjour en Catalogne (voir la note 15 ci-dessous).
On se serait plutôt attendu à une réservation de l’ensemble de la plage 2000-2999, à l’instar de la plage 1000-1999 de l’Album Rubaudonadeu.Or, nous observons deux intrus de part et d’autre de la série de Vilafranca, dont JMC 2500, qui semble marquer une claire partition dans les numéros 2000 et inaugurer une nouvelle classe thématique sans rapport avec la Catalogne.
Une hypothèse serait que les 600 photographies du second séjour en Catalogne aient exploité le reliquat des numéros 1000 non utilisés par l’Album Rubaudonadeu. Faute d’informations sur le sort de cet ensemble de photographies, il est aujourd’hui difficile d’imaginer le plan de numérotation prévu pour ce second album et d’interpréter les numéros utilisés par les vues de Vilafranca.
RetourCertaines séries de nus semblent toutefois avoir été assez importantes en nombre de photographies produites. La série des deux femmes au jardin par exemple comprend des clichés dont les numéros s’échelonnent entre 5254 et 5300, soit potentiellement au moins 46 clichés (en postulant une numérotation sans interférences). La série du modèle « Adrienne » comprend des clichés dont les numéros s’échelonnent entre 4676 et 4772, soit potentiellement près d’une centaine de numéros.
Selon ce qu’il ressort du corpus de la base Photographie des Artistes, l’écart moyen entre les numéros extrêmes des séries réalisées avec un même modèle s’élève à 26 (la différence entre le plus grand et le plus petit des numéros dans les séries est de 26). Pour tenir compte des clichés non numérotés relevant de ces mêmes séries, on peut doubler ce nombre, pour estimer à environ 50 le total moyen de clichés par série. En d’autres termes, Cañellas aurait produit en moyenne une cinquantaine de photographies avec les modèles qu’il faisait venir dans son studio.
Peut-être Cañellas aura-t-il jugé le dispositif de numérotation initial trop contraignant et se sera-t-il résolu à mettre en place un système plus simple, en numérotant séquentiellement les photographies réalisées puis en sélectionnant l’une d’entre elles comme représentante de la série en lui affectant un numéro dans un index (les fameux numéros 4000-4099). Il lui suffisait alors d’associer au numéro figurant dans l’index le premier numéro de la série enregistrée ailleurs pour retrouver la série en question.
Tout ceci reste bien évidemment hautement hypothétique.
Sur un autre plan, il serait particulièrement instructif d’étudier de plus près la mise au point et le déroulement d’une séance de prises de vue en « pose d’ensemble ». Comment s’entendait-on avec les modèles sur le tarif de la prestation et sa durée, les exigences envers le modèle ou le nombre de photographie prises au cours de la séance ? Les modèles étaient-ils payés à la séance ? à la durée ? au nombre de clichés réalisés ?
J’ai trouvé çà et là des éléments d’information — plus ou moins fiables — sur tous ces aspects pratiques, mais je n’ai pas encore trouvé de couverture un peu complète du métier de modèle occasionnel pour photographe « artistique ».
RetourPhotographies prises à l’occasion d’un second voyage en Catalogne, toujours en réponse à une commande de Rubaudonadeu, mais qui, pour des raisons encore inconnues, ne donneront pas lieu à la finalisation d’un album comparable à celui de l’Alt Empordà.
Dans une notice sur Cañellas, Anna Capella cite un article paru dans un quotidien de Tarragone à la mort du photographe qui évoque « environ six cents photographies » prises au cours de ce second séjour. La plupart de ces photographies n’ont pas encore été retrouvées. La Hispanic Society of America détiendrait treize photographies sur les fêtes de Vilafranca (dont celles répertoriées dans la base ici-même).
Cf. Anna Capella, Diccionari d’artistes catalans, valencians i balears - Institut d’Estudis Catalans - Museu Nacional d’Art de Catalunya, s. v. « Josep Maria Cañellas i Mata ».
Pour la datation des photographies faites à Vilafranca, un article du journal La Lucha du 31 août 1892 confirme la date de l’été 1891 en évoquant le travail de Cañellas mené l’année précédente. Une éclairante étude de 2015 de Francesc Montserrat sur les participants et les manifestations lors de la fête patronale de Vilafranca del Penedès de 1891 aboutissait à la même conclusion.
RetourSource : Musée de l’Empordà, Figueres, Réserve 1, cote 01954.
C’est le document dont l’en-tête est reproduit à la note 4 ci-dessus.
RetourLe 1er mai 1901, Cañellas gagne son procès contre la librairie A. Charles pour la reproduction non autorisée (« contrefaçon ») de cette photographie JMC 5355 en couverture du roman La Vierge de Babylone de Prosper Castanier (1898).
Dans un amusant billet du Mercure de France sur Castanier, Rachilde évoque, à propos du modèle photographié sur la couverture, « une forte cuisinière de bonne maison étalant ses appas ». C’est très méchant mais assez drôle.
Voir le site Les critiques de Rachilde dans le Mercure de France.
RetourLe démarrage de la sous-série en question par un numéro rond est peut-être l’affaire du hasard.
D’après les enregistrements de la base de données, on trouve un numéro JMC 5696 relevant d’une série avec un autre modèle et un numéro JMC 5728 avec un troisième modèle. Potentiellement donc, la série en question pourrait commencer avant le numéro 5700 pour se poursuivre jusqu’au numéro 5727, soit une trentaine de numéros.
Si tel était le cas, et si Cañellas avait souhaité isoler cette série du reste de la production, il aurait pu lui réserver deux feuilles. Or, en débutant une feuille avec le numéro 5700, le volume de photographies de la série ne permet pas de remplir deux feuilles. On en revient donc encore une fois à des feuilles de miniatures remplies sans nécessairement correspondre à des séries de prises de vue.
Tout ceci reste de simples conjectures.
RetourLa nature de la catégorie d’accueil pour JMC 622 — l’ensemble 500-899 — est moins claire que celle des animaux. Cela étant, peut-être n’a-t-on pas affaire ici à un regroupement par sujet ; peut-être s’agit-il d’un regroupement sur des critères techniques. Par exemple, des photographies prises avec tel ou tel type de chambre, tel ou tel type d’optique, ou encore préparées et/ou développées selon tel ou tel procédé, etc.
La migration de JMC 622 — si on a bien affaire à une renumérotation — pourrait alors s’expliquer pour ces considérations techniques. Là encore, je m’avance sans le moindre élément solide pour étayer le propos.
RetourJ’avais déjà repéré de tels numéros isolés sur le bord de deux plaques photographiques attribuées à Cañellas (non signées, donc). Sans pouvoir en expliquer le statut ou la fonction, ils ne me paraissent pas pouvoir être rapprochés des numéros attestés dans les photographies signées.
Voir la discussion dans le billet Six plaques photographiques de Josep Maria Cañellas.
Le numéro 24 isolé du portrait du vieillard est peut-être un cas similaire.
RetourJ’ai déjà fait allusion à la dispersion des travaux de Cañellas après son décès. L’une des questions auxquelles je n’ai pas de réponse est celle des éventuelles conditions de la reprise du fonds par un tiers — si celle-ci eut bien lieu —, et notamment de savoir s’il était convenu de préserver l’attribution des clichés à Cañellas (par exemple en maintenant sa signature sur les nouveaux tirages).
Je ne sais pas si j’obtiendrai jamais une réponse à la question. Mais je suis à peu près certain que des photographies de Cañellas — je parle ici des nus, bien sûr, les plus aisément monnayables — ont été récupérées et commercialisées par des tiers sans mention d’origine.
Sur la « référence » suivante, signée « R. G. » (très-vraisemblablement Richard Gennert, voir Le mystère des sœurs Martin, note 19), les clichés me semblent être pour la plupart, sinon tous, de la main de Cañellas.

Par exemple, le portrait en haut à gauche, avec sa toile peinte d’arrière-plan caractéristique, pourrait être tiré de la même série que id. 549 :

Pour autant qu’on en puisse juger d’après cette reproduction, les clichés promus se voient attribuer des numéros (en chiffres romains) qui ne sont pas ceux de Cañellas et je ne distingue pas de trace des signatures JMC éventuelles telles qu’on pouvait les voir sur les feuilles de références de Cañellas.
La réappropriation des photographies de Cañellas par Gennert ne serait pas un fait étonnant. Le pillage par les uns des travaux exécutés par les autres semble avoir été une pratique plutôt courante dans le Far West de la photographie du XIXe s. Et plus particulièrement dans le domaine de la photographie de nu. Sic transit gloria mundi…
RetourMots-clés
Josep Maria Cañellas (1856-1902), photographie, signature, numérotation, attribution, datation, classement, commerce
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Source Musée de l’Empordà (Figueres).
À Monsieur :
pour les prix de mes éditions, je ne peux vous faire aucun rabais, comptez ce que
ça coûte d’envoyer par poste fermée et recommandée, comme il faut faire pour ce
genre de photographies.
Pour ce que vous me demandez d’une douzaine de photos stéréo, c’est très
difficile que nos goûts soient les mêmes. Si vous voulez, ce qui serait plus commode,
achetez-moi les références qui ne sont que 25 feuilles, et que je vous enverrai contre
cinq francs pour la première fois, et comme ça vous ferez votre choix.
Par ce même courrier je vous envoie mes échantillons de [cartes ?] postales. La
série de 10 dans une pochette à quatre-vingt centimes net et par douze pochettes au
moins. Les autres deux seules, à six francs les cent, cinquante francs les mille.
Agréez M[onsieu]r [mes] salutations
J. M. Cañellas