Josep Maria Cañellas – Photographie des Artistes

J. M. Cañellas, Danseuses du cancan (Bal de Paris) - BnF/Agence photo RMN-Grand Palais.
J. M. Cañellas, Danseuses du cancan (Bal de Paris) - BnF/Agence photo RMN-Grand Palais.

Entre une date encore à confirmer (mais sans doute postérieure à 1889) et 1894 au plus tard, Cañellas avait établi son studio au 60, boulevard de Clichy, à mi-chemin entre la place Pigalle et la place Blanche.

L’adresse est aujourd’hui connue sous l’appellation de Villa des Platanes.

C’est la deuxième adresse professionnelle parisienne répertoriée pour Cañellas, après celle de la rue André-del-Sarte et avant celle de la rue des Abbesses1.

Emplacement des trois studios montmartrois de Cañellas.
Les trois adresses montmartroises de Josep Maria Cañellas.
Fond de carte : Andriveau-Goujon, Plan de Paris…, Paris : H. Barrère (4 rue du Bac), 1890. Source BhVP.
N.B. Pendant quelques années, l’actuelle rue André-del-Sarte a porté le nom de Luc Lambin.

Ces trois adresses sont situées sur la face sud de la butte Montmartre, dans un périmètre relativement restreint. Elles traduisent un attachement certain au quartier (l’attachement pouvant également s’expliquer par des loyers plus modérés qu’ailleurs). Pendant une bonne quinzaine d’années donc, elles auront permis à Cañellas d’établir sa présence et sa notoriété dans ce cœur battant de la vie parisienne de la Belle Époque.

On se souviendra qu’une grande partie des photographies de rue de Cañellas — ses fameux instantanés — a pour cadre les environs immédiats de ces trois adresses, et notamment les boulevards de Clichy et de Rochechouart.

JMC 608 - Sur le boulevard Rochechouart, place d’Anvers. JMC s/n - Paris. Place Clichy, № 8.
JMC 608 - Sur le boulevard Rochechouart, place d’Anvers — JMC s/n - Paris. Place Clichy, № 8.

Aparté – Cette fidélité aux « boulevards extérieurs » — ainsi nommait-on les trois boulevards des Martyrs, de Pigale [un seul l dans l’orthographe des années 1860] et de Clichy (aujourd’hui réunis sous le nom de boulevard de Clichy) — n’est pas un cas isolé. On peut rappeler, entre plusieurs autres, celui du photographe Paul Sescau, ancré lui côté numéros impairs, qui avait son premier studio rue Rodier puis s’installa place Pigalle.

Sescau fut un grand ami de Toulouse-Lautrec et, en bon noceur, fréquenta assidûment le Moulin Rouge et sa troupe. Ses portraits de Jane Avril sont très-connus (voir p. ex. ceux conservés à la Bibliothèque nationale d’Espagne2 ici et ici).

Il serait intéressant d’étudier les éventuels liens entre Sescau et Cañellas. À mon sens, pour avoir côtoyé et photographié les mêmes danseuses, ils n’ont pas pu ne pas se connaître. De même qu’il faudrait s’intéresser aux éventuelles relations avec Maurice Guibert, autre bon vivant et grand amateur des dames du Moulin Rouge, qui fréquentait lui aussi Toulouse-Lautrec et savait faire profiter ses amis de son immense fortune. Voir la note 6 dans le billet « Observations relatives aux clichés de J. M. Cañellas pris place de l’Opéra à Paris ».

Pour en revenir à l’adresse du boulevard de Clichy, on apprend, dans un article du journal de Gérone La Lucha daté du 31 août 18923, cette intéressante précision :

Extrait d’un article de La Lucha du 31 août 1899.
Extrait d’un article de La Lucha du 31 août 1899.
Source Biblioteca Virtual de Prensa Histórica.

qui précise donc : … el hábil fotógrafo catalán José M. Cañellas Mata establecido en Paris, 60, Boulevard Clichy, y Cité Midi, 11, donde tiene el taller… [« … le talentueux photographe catalan José M. Cañellas Mata, établi à Paris, 60, boulevard Clichy, et Cité Midi, 11, où il a son atelier… »].

Deux adresses donc, au lieu du seul № 60, boulevard de Clichy qui figure sur les cartons-support de ses photographies.

Carton-support des photographies de Josep Maria Cañellas.

Deux adresses. Dans les faits, un seul et même lieu.

Ces deux adresses existent toujours aujourd’hui, quoique dans une configuration différente de celle que connut Cañellas.

Le № 60 du boulevard de Clichy (plus précisément les № 58 et 60) correspond à l’entrée de l’actuelle Villa des Platanes, laquelle occupe une vaste parcelle entre le boulevard au sud, les immeubles de la rue Véron au nord, ceux de l’avenue des Tilleuls (actuelle rue Robert Planquette) à l’ouest et ceux des cités Germain Pilon et du Midi à l’est. La parcelle est répertoriée sous la référence 18-AR-0137 dans le cadastre parisien.

Plan parcellaire de Paris centré sur la Villa des Platanes.
Parcelle cadastrale de la Villa des Platanes (№ 0137). Source Géoportail.

L’existence de la parcelle est attestée depuis le XVIIIe s., semble-t-il. Elle prend au XIXe s. le nom d’enclos Lucas puis celui de La Californie (Hillairet). On en retrouve le tracé sur ce plan de la commune de Montmartre daté de 1843 :

Plan parcellaire de Paris centré sur la Villa des Platanes (1843).
Plan de la commune de Montmartre (1843). La parcelle correspondant à l’actuelle villa des Platanes est ici délimitée en jaune4.
Source BnF/Gallica.

Cette vaste parcelle a fait l’objet, de 1893 à 1895, d’une grosse opération immobilière qui a conduit à l’édification des immeubles actuels5. Et, partant, à la destruction probable des immeubles précédents et au réaménagement intérieur de la parcelle. C’est la mise en œuvre de cette opération, entraînant une vraisemblable réévaluation des loyers, qui a dû provoquer le déménagement de Cañellas vers son troisième studio, rue des Abbesses (1895, au plus tard).

Je n’ai pas trouvé de vue de cette portion du boulevard antérieure aux travaux en question, si ce n’est cette magnifique photographie anonyme prise vers 1863, qui donne à voir, de gauche à droite, la section comprise entre les numéros 38 et 32 du boulevard Pigal[l]e (actuels numéros 50 à 44 du boulevard de Clichy). Et, au centre, l’entrée de la cité du Midi.

Vue du boulevard de CLichy et de la cité du Midi vers 1863.
Vue du boulevard de Clichy et de la cité du Midi vers 1863.
Source Musée Carnavalet (№ d’inventaire : PH81170).

La photographie peut en effet être datée avec une assez bonne précision, en se référant aux enseignes visibles (entre autres, le vétérinaire Vivès et les loueurs d’échafaudages Bouvier & Michel, tous deux répertoriés dans le Firmin-Didot 1863). On reconnaît également l’arrondi dans la jonction entre les deux premiers bâtiments de la cité du Midi, créant un espace permettant aux fiacres et autres voitures de faire demi-tour.

J’ai été plutôt surpris par le volume et la hauteur des constructions sur une section de boulevard que je pensais beaucoup moins « achevée ». Surpris également par le nombre de constructions qu’on aperçoit à l’arrière-plan et qui couvrent déjà tout ce versant de la butte. (J’ai également été très amusé par les deux personnages accoudés à leur balcon au 4e étage du № 38.) J’ai lu quelque part qu’une certaine frénésie immobilière avait saisi Montmartre peu après son annexion par la ville de Paris (1860) ; la Villa des Platanes en est un bon exemple et cette frénésie semble avoir perduré jusqu’à l’achèvement de l’avenue Junot et la disparition des derniers vestiges campagnards, miséreux ou bohèmes de la butte.

On peut penser que l’environnement qu’a connu Cañellas au début des années 1890 n’était pas très différent de ce que restitue la photographie ci-dessus.

Sur d’autres plans parcellaires conservés aux archives de la Ville de Paris, on peut identifier assez finement la Villa des Platanes, les constructions qui y ont été bâties, ainsi que l’ensemble des communications avec les parcelles voisines. Dans l’extrait de plan suivant, daté de 1889, mais vraisemblablement repris et révisé à une date ultérieure6, la Villa est délimitée par les traits gris. J’y ai fait figurer par des flèches bleues les divers points d’entrée sur la parcelle.

Plan parcellaire de Paris centré sur la Villa des Platanes (1889).
Villa des Platanes - Plan parcellaire municipal de Paris (1889).
Le boulevard de Clichy apparaît ici sur la gauche du plan, la rue Véron sur la droite.
Entrées & issues : (1) 60, boulevard de Clichy ; (2) 11, avenue des Tilleuls ; (3) 19, rue Véron ; (4) cité Germain Pilon ; (5) 11, cité du Midi.
Source Archives de Paris, plan 69e quartier, Grandes Carrières, 119e feuille 1/500, PP/11834/B et PP/11834/C.

En particulier, selon ce plan, la communication avec le № 11 de la cité du Midi (issue 5) semble assez clairement établie, et vient corroborer la précision donnée dans l’article de La Lucha cité plus haut. Cañellas pouvait en effet donner pour adresse officielle le 60, boulevard de Clichy, tout en bénéficiant, avec le 11, cité du Midi, d’une entrée ou d’une sortie plus discrète, si cela devait s’avérer utile.

Aparté – Plus discrète, ou peut-être tout simplement plus pratique. Deux informations glânées sur la cité du Midi viennent apporter un éclairage complémentaire assez intéressant7 :

1/ Le № 3, l’actuelle Villa Amandine, aurait été une salle d’entraînement pour les danseuses du Moulin Rouge8. Or, on a conservé de Cañellas plusieurs portraits des danseuses de ce cabaret, exécutés lorsqu’il était actif à Montmartre. La présence régulière des membres de la troupe à quelques pas de son studio aura pu favoriser les occasions et lui permettre d’enrichir sa collection de « photographies des artistes » locaux, ou locales… À commencer par Cascade et l’une de ses collègues

Danseuse du Moulin Rouge appelée Cascade Danseuse du Moulin Rouge (?), peut-être L’Écrevisse (?)
Deux photographies de danseuses (du Moulin Rouge, selon toute vraisemblance).
Les cartons-supports mentionnent tous deux l’adresse du 60, boulevard de Clichy.

Toujours à propos du № 3, je lis dans ma source que, « dans les années 1990, on pouvait encore y admirer une immense toile suspendue servant de décor ». Était-ce l’une des toiles qu’on entrevoit à l’arrière-plan des portraits de Cañellas ? (Cf. Cascade ci-dessus.)

Rappelons que le Moulin Rouge ouvre ses portes fin 1889, à peu près à la date où Cañellas s’installe au 60, boulevard de Clichy. En tant que voisin, Cañellas a donc très bien pu assister à la mise en place de la salle d’entraînement et proposer par la même occasion ses services. Rappelons de plus que l’un des fondateurs du Moulin Rouge, Josep Oller i Roca, était lui-même catalan, facilitant peut-être ainsi les entrées de son compatriote Cañellas dans l’univers du cancan.

2/ Le № 14, dit-on, fut une maison close. Dont acte. Vingt mètres à peine la séparait du № 11. Il pouvait être tentant pour un photographe de nus d’aller recruter des modèles si proches. Ni vu ni connu (mais avec la bénédiction de la mère supérieure, cela va sans dire).

Et pourquoi pas les deux jeunes femmes qui posent dans JMC 4119 ou la femme qui monte dans son hamac de JMC 4277 ? (Les lattes du plancher semblent être les mêmes que celles de la photographie de la danseuse anonyme ci-dessus et plaident ainsi pour une photographie faite au 60, boulevard de Clichy ; voir un gros plan ci-dessous.)

Deux femmes nues posant avec un air de défi. Femme nue de dos s’apprêtant à monter dans un hamac.
Deux femmes nues posant avec un air de défi et une autre montant dans un hamac. À ce stade, rien ne permet d’affirmer que ces photographies furent prises cité du Midi. Et surtout rien ne permet d’affirmer que ces trois femmes aient été des pensionnaires du № 14.

Une autre confirmation de l’existence des diverses issues de la parcelle de la Villa des Platanes est fournie par la Nomenclature des voies… de la ville de Paris, dans son édition de 1898, où on lit cette observation : « Elle communique avec l’avenue des Tilleuls et les cités Germain Pilon et du Midi ».

Nomenclature des voies parisiennes, entrée Villa des Platanes.
Nomenclature des voies publiques et privées dressée sous la direction de M. Bouvard,… / par M. Beck…, Paris, Chaix, 18989.
Entrée « Villa des Platanes ». Source BnF/Gallica.

Mais aujourd’hui, et sans doute depuis longtemps déjà, la Villa des Platanes est isolée des parcelles voisines. La voie est considérée comme privée et l’entrée sévèrement contrôlée. L’accès par le boulevard de Clichy est gardé. Le passage vers l’avenue des Tilleuls (l’actuelle impasse Robert Planquette) est toujours possible mais il est fermé par une grille à code. Celui vers la cité Germain Pilon est muré. Et un arrière d’immeuble sans porte d’entrée ferme désormais l’issue vers la cité du Midi10.

Toutefois, le dernier immeuble de l’ensemble — baptisé « Pavillon du Midi » et dont on peut apercevoir depuis l’avenue des Tilleuls les deux portes donnant sur les jardins — pourrait bien offrir une voie de sortie comme le faisait l’ancien pavillon photographié par Daudet : adossé au № 19 de la rue Véron, il donne en effet sur la cour de l’immeuble sur rue (et donc, au moins indirectement, sur la rue Véron). Je n’ai pas pu vérifier.

Villa des Platanes, vue sur le Pavillon du Midi et la grille vers l’avenue des Tilleuls. Villa des Platanes, vue sur le Pavillon des Tilleuls et le mur barrant la sortie vers la cité Germain Pilon. Villa des Platanes, vue sur le Pavillon condamnant la sortie vers la cité du Midi.
Villa des Platanes, vue sur le Pavillon du Midi avec le portail fermé sur l’avenue des Tilleuls ; sur le pavillon des Tilleuls avec le mur barrant la sortie vers la cité Germain Pilon ; sur le pavillon condamnant l’accès à la cité du Midi (voir note 10 ci-dessus). Source Google Maps.

Mais revenons à Cañellas et aux années précédant l’opération Villa des Platanes.

On l’a vu (note 6 ci-dessus), le terrain était alors nettement moins chargé en bâtiments et présentait sans doute un aspect relativement champêtre, peut-être avec des jardins en terrasses. L’accès devait être public et la parcelle servait sans doute de voie de communication informelle pour relier le boulevard ou la cité du Midi à la rue Véron et à la rue Lepic via l’avenue des Tilleuls. Des bruits courent que le terrain, vaste et arboré, aux recoins accueillants, servait également à abriter des rencontres d’après-bal où se parachevait ce que les chahuts répétés de la soirée avaient su faire naître chez les cavaliers et leurs cavalières11. Mistinguett vous dira que ça, c’est Paris.

Où donc se situait le studio de Cañellas ? De tous les bâtiments qui ont existé avant ceux de la Villa des Platanes, les plus probables pour abriter ce studio me semblent être ceux situés au centre de la parcelle et notés A et B dans l’extrait de plan suivant (je renvoie à nouveau à la note 6 pour la vue d’ensemble). J’exclus le pavillon des Tilleuls (C) que je crois réservé à de l’habitat. Et je ne suis pas certain que les bâtiments qui fermaient l’avenue des Tilleuls (D) fussent encore debout au début des années 1890.

Au centre de la parcelle de la Villa des Platanes

Le bâtiment A m’était tout d’abord apparu comme le meilleur candidat : sa proximité immédiate avec la sortie vers la cité du Midi paraissait mieux motiver la mention de la double adresse telle que la rapporte l’article de La Lucha. Mais j’ai appris entre temps qu’il a été le premier à disparaître lors de l’opération Villa des Platanes pour faire place aux actuels pavillons de la Terrasse et des Platanes (peut-être ceux visés par les permis de construire de 1892 et 1893). Par ailleurs, réservés aux membres de la famille du propriétaire, ces derniers n’ont certainement pas hébergé Cañellas et son studio.

Reste alors le bâtiment B qui, lui, existe toujours aujourd’hui, dans une configuration peut-être assez proche de celle d’alors. Et peut-etre même s’agissait-il déjà à l’époque d’ateliers d’artistes comme c’est encore le cas aujourd’hui.

Toutes ces supputations sont évidemment un peu vaines en l’absence d’éléments plus tangibles.

À ce titre, je ne suis pas certain que l’étude détaillée des photographies prises dans ce studio puisse nous apporter de tels éléments ; tout au plus pourra-t-elle suggérer que telle ou telle photographie a bien été prise dans le même studio. Pour avancer, il nous faudrait le témoignage d’un tiers, par exemple celui d’une personne ayant côtoyé Cañellas à cette adresse, un voisin, un artiste dans un studio mitoyen…

Aparté – À propos de tiers, on trouve répertoriés au № 11 de la Cité du Midi les noms de Capy, artiste peintre, Gilbert, sculpteur, Larroux, statuaire, et Masson, artiste peintre (Annuaire général de l’industrie et du commerce Paris-adresses, année 1893). Un Gilbert (A.G.), artiste peintre, est également répertorié au № 60 du boulevard de Clichy, sans doute le Gilbert sculpteur précédent, qui aurait disposé comme Cañellas des deux adresses étudiées ici. Gilbert et Larroux sont encore mentionnés dans l’édition de 1894. Larroux l’est encore dans les éditions de 1896 et 1897, accompagné d’un Lavau (O.), artiste peintre. Toutes ces éditions précisent que le propriétaire est un certain Jacquot, à Neuilly-sur-Seine, ce qui est bien le nom relevé dans les permis de construire de la Villa des Platanes (voir note 5). Étonnamment, l’édition de 1898 mentionne pour propriétaire « X » et indique « Immeuble en construction ». Dans les éditions ultérieures, le № 11 n’est plus répertorié. Il en va de même pour l’annuaire Didot-Bottin : le № 11 disparaît à compter de l’édition de 1898.

Capy pourrait être Marcel-Amable Capy (1865-1941), peintre et dessinateur caricaturiste. Gilbert pourrait être le peintre Victor Gabriel Gilbert (1859-1935), décédé non loin de là, avenue Frochot (auquel cas il faudrait corriger la profession pour la cité du Midi et corriger les initiales des prénoms pour le boulevard de Clichy). Larroux pourrait être Antonin Larroux (1859-1913?). Je n’ai pas de suggestion pour Masson (le peintre et graveur Alphone Charles Masson, 1814-1898 ? On trouve un Masson, Alph., acquafortiste, répertorié au 11 avenue des Tilleuls et 19 rue Véron dans le Didot-Bottin de 1891) ni pour Lavau.

Je ne connais pas ces artistes et l’étude détaillée de leurs biographies m’embarquerait pour un trop long voyage. J’en retiens pour l’heure que l’adresse de la cité du Midi a hébergé de nombreux artistes et qu’il est fort probable que des liens se soient noués entre eux. Peut-être l’un ou l’autre de ces voisins aura-t-il été intéressé par les travaux de Cañellas et lui aura-t-il passé commande de photographies ?

Cañellas demeure donc trois, quatre, peut-être cinq années à cette adresse. Il y croise des artistes, peintres ou sculpteurs ; il voit passer devant ses fenêtres les Montmartrois et les bambocheurs ; il partage le quotidien de ses voisins, et notamment de ses voisines, danseuses à l’entraînement ou entraîneuses en cadence…

Et lui-même photographie. Dans son studio et dans la rue, peut-être aussi dans l’annexe du Moulin Rouge, cité du Midi.

Déterminer le corpus des photographies de ces années-là est une tâche probablement hors de portée. À l’exception des photographies contrecollées sur des cartons portant l’adresse du boulevard de Clichy, je n’ai pas trouvé d’éléments vraiment probants permettant de les identifier.

À l’exception peut-être des lattes du plancher déjà évoquées… Certes, ce ne sont pas forcément celles d’un studio au 60, boulevard de Clichy, mais elles fournissent un indice plutôt solide qu’on peut aussi relier à un schéma de numérotation (ici, 4277).

Détail de deux photographies de J. M. Cañellas.
Détail des deux photographies reproduites plus haut. Les lattes du plancher sont indiscutablement les mêmes sur ces deux clichés. Il s’agit sans doute de celles du studio de J. M. Cañellas à la cité du Midi.

Un dernier élément mérite une mention ici, car la coïncidence me paraît trop marquée pour être l’œuvre du seul hasard.

La parcelle de la Villa des Platanes est mitoyenne de celle du № 15 de la rue Véron (cote 18-AR-135, le pavillon des Tilleuls y est adossé).

Plan local d’urbanisme de Paris - Vue de la parcelle du 15, rue Véron.
Plan local d’urbanisme de Paris - Vue contemporaine de la parcelle du 15, rue Véron.
Source Paris.fr, PLU.

De nos jours, il n’existe plus de communication entre ces deux parcelles : un petit bâtiment (le № 14 de la cité Germain-Pilon, partie intégrante de la parcelle du 15 rue Véron) ferme la cité Germain-Pilon (depuis la Villa des Platanes, c’est le mur aveugle à la droite du pavillon des Tilleuls).

Ce petit bâtiment est assez tardif12 et n’existait pas du temps de Cañellas ou, du moins, n’obstruait-il pas le passage entre les deux parcelles. Il était encore possible d’accéder au 15 rue Véron depuis la Villa des Platanes via la cité Germain Pilon.

Je m’intéresse en effet à cette adresse du 15 rue Véron car elle apparaît à plusieurs occasions dans l’univers de Cañellas, certes postérieurement à sa mort pour ce que j’en sais aujourd’hui13.

En avril 1905, soit trois ans après sa mort, c’est l’adresse qui figure dans une petite annonce quelque peu inattendue, qui fait mention explicite du nom de notre photographe :

Annonce parue dans l’édition du 15 avril 1905 du Journal.
« Canellas, 15, r[ue] Véron, d[emande] modèles j[eu]nes filles et enfants » Annonce parue dans l’édition du 15 avril 1905 du Journal. Source BnF/Gallica.

Je n’ai pas d’informations sur la ou les personnes à l’initiative de cette annonce, mais on peut penser à Jeanne et à Victorine-Colombe Martin, l’épouse et la belle-sœur de Cañellas, qui firent vivre la marque JMC encore quelques années après son décès. Avaient-elles élu domicile au 15 rue Véron ? Y disposaient-elles d’un studio ? S’étaient-elles spécialisées dans la photographie de jeunes filles et d’enfants ? Le mystère n’est pas encore éclairci. (Pour y parvenir, il faudrait aller étudier de plus près les habitants du 15 rue Véron et leurs occupations au tournant du siècle.)

On sait par ailleurs que le 15 rue Véron était, en 1906, l’adresse du domicile du peintre barcelonais Ricardo Plannels, qui épousera en 1908 Victorine-Colombe Martin.

Or, à ce mariage, on note la présence d’un témoin, Pauline Dufays, nettement plus jeune que les mariés, qui donne pour domicile cette même adresse du 15 rue Véron. Qui était Pauline Dufays ? Était-elle un témoin appelé par Ricardo Plannels ou par Victorine-Colombe Martin ? S’agit-il d’une des « jeunes filles » recrutées alors pour servir de modèle ? Mystère ici aussi.

Alors, quel lien peut-on établir entre cette adresse du 15 rue Véron, très fréquentée dans les années 1900 par sa belle-famille, et la présence de Cañellas au 11 cité du Midi dans les années 1890 ? Je n’ai pas encore la réponse mais je crois qu’il faut continuer de fouiller du côté des sœurs Martin.

Ainsi, si les relations entre Cañellas et les Martin ne semblent s’officialiser qu’avec le mariage de Cañellas et Jeanne Martin à la Noël 1898, il n’est pas interdit d’envisager que les futurs époux se soient fréquentés hors mariage pendant les années précédentes, et par exemple dès les années 1893-1894… J’ai relevé que, en novembre 1894, soit à une date où Cañellas devait encore se trouver cité du Midi, une autre sœur Martin, Alice, était domiciliée au 12 rue Germain-Pilon, soit à proximité immédiate de la Villa des Platanes et du 15 rue Véron qu’elle pouvait rejoindre via la cité Germain Pilon qui débouchait en face de chez elle.

Alice aurait-elle fait venir auprès d’elle sa sœur Jeanne ? Cette dernière a-t-elle habité au 15 rue Véron ? Est-ce de la sorte qu’elle aurait rencontré Cañellas ? Ne serait-elle pas devenue l’un de ses modèles ?

Hypothèses, simples hypothèses, bien sûr. Qui pourraient fournir la matière d’un roman certainement captivant. Au travail !

Carte postale ancienne
Carte postale datée entre 1900 et 1910 qui donne à voir la portion du boulevard de Clichy située entre les № 62 et 40. On reconnaît aisément dans le second immeuble l’entrée de la Villa des Platanes telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Un peu plus loin se devine l’entrée de la cité du Midi, à l’angle avec le petit immeuble d’angle à trois étages.
Source Musée Carnavalet.

Billet mis à jour le 16 février 2024 pour corriger une imprécision sur les bâtiments ayant pu héberger le studio de Cañellas dans la Villa des Platanes. Mes remerciements à la source bien informée qui me prête son précieux concours.

Notes

1

Pour ce qui est de la chronologie, je m’appuie sur les éléments factuels suivants :

  • En 1889, la publication de l’album Rubaudonadeu fait apparaître en couverture le nom de Cañellas avec pour adresse le 17, rue André-del-Sarte (cf. catalogue de l’exposition Cañellas à Figueres, p. 39).
  • En 1893, on identifie son premier enregistrement dans l’annuaire Firmin-Didot, sous la rubrique « Photographes », à l’adresse du 60, boulevard de Clichy (dans la liste alphabétique des inscrits, son nom apparaît sous la forme « Cannellas, (J. M.) »).
    Les inscriptions à l’annuaire de l’année devant être closes en septembre de l’année précédente, il est raisonnable de penser que Cañellas était déjà installé boulevard de Clichy en 1892 — et peut-être même avant, sans être inscrit à l’annuaire.
  • La même inscription avec la même adresse est répétée dans l’édition de 1894.
  • Dans l’édition de 1896 du Firmin-Didot, Cañellas apparaît avec l’adresse du 65, rue des Abbesses. (L’édition de 1895 n’est pas disponible.)
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2

La date de 1888 avancée par la BNE pour la réalisation de ces photographies paraît peu plausible : c’est en effet le Moulin Rouge qui rend la danseuse célèbre et celui-ci n’ouvre ses portes qu’en octobre 1889. Par ailleurs, la fameuse lithographie de Toulouse-Lautrec, Jane Avril au Jardin de Paris, tirée d’une des photos de Sescau, date de 1893. Il serait étonnant qu’il eût attendu cinq années avant d’exploiter la photographie de son ami.

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3

Information aimablement communiquée par Carles Esporrín, co-réalisateur avec Luz López d’un documentaire sur Cañellas à paraître courant 2024 et dont la bande-annonce peut être visionnée ici : Josep Maria Cañellas, l’ombra del fotògraf.

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4

Sur ce plan de 1843, la parcelle est légèrement plus étendue que l’actuelle. Il est possible qu’une partie du terrain ait été cédée à la Compagnie Générale des Petites Voitures voisine (rue Coustou), qui avait là un important dépôt. La rue Véron est notée comme projetée ; en revanche l’avenue des Tilleuls est déjà attestée (elle porte alors le nom d’impasse Gaillard).

On notera également, ici délimitée en rouge, la parcelle correspondant à la cité du Midi, non bâtie, mais déjà découpée en divers lots autour d’une voie centrale (peut-être les jardins potagers de citadins parisiens).

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5

On relève, dans le recueil des permis de construire à Paris, les informations suivantes :

58-60 boulevard de Clichy
A. Jacquot
Delœuvre, 20 rue de Bruxelles
Atelier d’artiste avec appartement et construction
7 avril 1896
60 boulevard de Clichy
A. Jacquot
(pas d’architecte)
Construction intérieure
10 mai 1892
60 boulevard de Clichy
Jacob [lire : Jacquot]
Ed. Delœuvre, 20 rue de Bruxelles
Construction de plusieurs bâtiments
2 avril 1893 (travaux commencés)
60 boulevard de Clichy
Jacquot
(pas d’architecte)
Construction intérieure
10 avril 1894
60 boulevard de Clichy
Société civile Jacquot
Carré, 82 rue Lauriston
Surélévation 1 étage
15 mai 1926

qui font état d’importants travaux (« plusieurs bâtiments ») à dater d’avril 1893, mais commencés dès mai 1892. Ces travaux ont dû s’achever en 1895, du moins si l’on s’en réfère au fronton de l’immeuble sur le boulevard qui affiche la date 1895.

Fronton de la Villa des Platanes sur le boulevard de Clichy.

Source : Paris 1876-1939 : les permis de construire (site particulièrement précieux, qui sauve de l’oubli un travail antérieur, sans équivalent officiel à ma connaissance).

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6

La datation du plan parcellaire et sa lecture sont délicates. Il est probable que les mêmes plans, ou une partie d’entre eux, ont été repris et amendés sur plusieurs années. Pour ce qui est du quartier des Grandes Carrières, celui qui nous intéresse ici, le plan est divisé en trois feuilles (117 [Nord], 118 [Ouest], 119 [Sud]), elles-mêmes subdivisées en vingt-et-une reproductions numériques (certaines redondantes).

La feuille 119, qui couvre la Villa des Platanes, est datée de 1889 (plan cotes PP/11834/B et PP/11834/C) mais le tracé des immeubles mêle les constructions attestées en 1889 et d’autres postérieures. On distingue ainsi très-clairement les bâtiments construits par Edmond Delœuvre (en 1895 donc) — notamment le pavillon central avec son escalier à double révolution, qui barre toute la parcelle en son milieu — qui viennent se rajouter ou se superposer aux bâtiments anciens.

Si j’interprète correctement le plan, les nouveaux bâtiments sont identifiés par des hachures rouge clair. On peut alors opposer les versions du bâti avant (en orange) et après (en bleu) l’opération immobilière de 1895 :

Bâti de la parcelle antérieur à l’opération Villa des Platanes. Bâti de la parcelle postérieur à l’opération Villa des Platanes.
Estimation du bâti de la parcelle, antérieur (en orange) puis postérieur (en bleu) à l’opération Villa des Platanes.
Source : Plans parcellaires des archives de la Ville de Paris, quartier des Grandes Carrières. L’identification des bâtiments (avant/après) est une interprétation personnelle du plan parcellaire que je pense globalement correcte mais sans doute à affiner.

Dans l’état que nous connaissons aujourd’hui, ne subsiste du bâti antérieur que le pavillon dit des Tilleuls, adossé à la parcelle du 15, rue Véron et, sous une forme peut-être légèrement modifiée, deux petits bâtiments sur le côté ouest de la parcelle.

Parmi les bâtiments détruits figuraient ceux du nord de la parcelle, qui correspondaient au № 11 de l’avenue des Tilleuls, qu’Hillairet évoque dans son dictionnaire et qu’Henri Daudet avait photographié en 1886 :

Photographie du № 11 de l’avenue des Tilleuls par Henri Daudet.
Photographie du № 11 de l’avenue des Tilleuls par Henri Daudet (1886). Source BnF/Gallica.
La vue est prise en direction du nord, depuis la Villa des Platanes ; l’avenue des Tilleuls se trouve sur la gauche ; l’escalier sous le porche (qu’on retrouve dessiné sur le plan parcellaire précédent) mène au № 19 de la rue Véron.

Cette photographie a été reprise, sans attribution, dans une publication malheureusement non identifiée mais accompagnée d’une précision intéressante : « Pavillon de l’Avenue des Tilleuls, № 11 / Démoli en 1889, dans lequel étaient encastrés les bas-reliefs » (ceux mentionnés par Hillairet). Cf. BhVP - [Paris, rue Robert Planquette. Dossier iconographique]. Il est possible que la démolition de ce pavillon fermant l’avenue des Tilleuls ait été engagée avant même les grands travaux de construction sur la parcelle par Delœuvre.

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7

Source : Villa-des-Platanes et Cité-du-Midi, deux lieux paisibles dans l’ambiance de Pigalle. Le site ne fournit pas d’éléments à l’appui des informations qu’il relaie, mais je ne désespère pas de les trouver par moi-même.

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8

D’autres lieux dans le quartier ont servi, à la même époque ou plus tard, aux entraînements des danseuses. Dans une notice associée à une série de photos d’André Zucca datées de mai 1939, j’ai trouvé la mention suivante : « Le gymnase Saulnier, au 16 rue Véron (18e arr.), était le lieu d’entraînement des acrobates des cirques et des danseuses du Moulin Rouge. » Cité du Midi ou rue Véron, nous restons toujours aux abords immédiats de la Villa des Platanes… Source : BhVP.

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9

La note d’observation donnée dans l’édition de 1898 est instructive, mais elle est peut-être anachronique si l’on suppose que l’immeuble ayant condamné l’issue vers la cité du Midi a été construit en 1895, en même temps que les autres constructions neuves de la Villa des Platanes. Ou en 1897, comme le suggère un autre permis de construire (cf. note 10 ci-dessous). On peut mettre cela sur le compte d’une omission de révision dans cette édition de l’ouvrage, qui en a compté plusieurs. Ou alors d’autres modifications de ce petit immeuble ont été apportées plus tardivement, dont je n’ai pas connaissance, pour en éliminer l’accès à la cité.
À noter que l’édition de 1881 (cf. Gallica) ne mentionne pas la Villa des Platanes (mais mentionne bien la cité du Midi). Ce nom a dû apparaître officiellement avec la fin de l’opération immobilière.

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10

Il faut en effet compléter la liste des permis de construire cités plus haut avec celui-ci :

cité du Midi
Jacquot
Delauwre [lire : Delœuvre], 20 rue de Bruxelles
Construction intérieure
9 juin 1897

qui identifie une intervention cité du Midi de la part des architectes et maîtres d’œuvre de l’opération de rénovation de la Villa des Platanes. Il y a tout lieu de croire qu’il s’agit d’une intervention au № 11 de la cité du Midi, pour compléter les bâtiments de la Villa des Platanes. Aujourd’hui, l’immeuble occupant l’espace du № 11, très étroit, ne présente plus d’entrée donnant sur la voie mais seulement des fenêtres (une par étage).

Immeuble sur l’emplacement du № 11 de la Cité du Midi.
Dos de l’immeuble sur l’emplacement du № 11 de la Cité du Midi.
Les deux immeubles hachurés ci-dessus portent, à gauche, le № 9 et, à droite avec la façade incurvée fermant la cité, le № 18.
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11

Information aimablement ébruitée par une résidente de la Villa des Platanes bien informée que je remercie à nouveau ici.

Pour ce qui est des arbres évoqués, ceux qu’on aperçoit à l’arrière-plan de la photographie suivante, datée de la période qui nous intéresse ici, sont sûrement ceux de la parcelle de l’actuelle Villa des Platanes. Cette photographie d’Hippolyte Blancard donne à voir sur la gauche la perspective de la rue Puget depuis le boulevard de Clichy.

Hippolyte Blancard - Café à l’Angle du Boulevard de Clichy et de la rue Puget.
Hippolyte Blancard, Café à l’Angle du Boulevard de Clichy et de la rue Puget (vers 1890) [détail]. Source Carnavalet.
En fait de café, il s’agit du fameux restaurant Coquet, très-couru par la clientèle des cabarets du boulevard.
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12

On relève, dans la liste des permis de construire cités plus haut, les informations suivantes :

15 rue Véron
veuve Perron, 93 rue de la Tour
Rahir, 18 bis rue Pierre-Guérin
Construction 1 étage
18 décembre 1906
15 rue Véron
Lafon, architecte, 68 avenue Ledru-Rollin
Lafon, 68 avenue Ledru-Rollin
Surélévation 2 étages
16 juillet 1909
15 rue Véron
A. Lafon, architecte, 68 avenue Ledru-Rollin
A. Lafon, 68 avenue Ledru-Rollin
Construction 6 étages
7 novembre 1910
15 rue Véron et 14 cité Germain-Pilon
Lafon, architecte, 8 rue de Villersexel
Lafon, 8 rue de Villersexel
Construction 5 étages
6 mars 1911

J’interprète le premier permis (« Construction 1 étage ») comme celui qui concerne le tout petit bâtiment qui ferme désormais la cité Germain-Pilon. Et qui est donc daté de 1906. Le dernier permis, qui mentionne explicitement le № 14 de la cité Germain-Pilon (« Construction 5 étage »), me semble concerner l’immeuble d’habitation donnant sur la seconde cour des immeubles du 15, rue Véron.

Il est également possible qu’un mur de séparation isolant la Villa des Platanes de la cité Germain Pilon avait été édifié antérieurement à ces permis de construire.

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13

Je renvoie ici au billet consacré à l’épouse de Cañellas et à ses trois sœurs : Le mystère des sœurs Martin.

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Mots-clés

Josep Maria Cañellas (1856-1902), atelier, studio, boulevard de Clichy, villa des Platanes, cité du Midi, rue Véron.

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